À partir du 1er janvier 2022, le gouvernement de Papouasie-Nouvelle-Guinée va « assumer la pleine gestion des services de traitement régionaux » en matière d’immigration, et fournir « une voie de migration permanente pour ceux qui souhaitent rester, y compris l’accès à la citoyenneté, le soutien à long terme, des programmes d’installation et le regroupement familial », ont annoncé les autorités du pays. Depuis 2013, Canberra sous-traitait l’accueil, ou plutôt la rétention des clandestins, vers des camps de prisonniers situés sur l’île papouasienne de Manus et dans le petit Etat de Nauru. En échange, ce dernier percevait environ 250 millions de dollars annuels pour héberger les candidats à l’exil, dans l’attente d’une hypothétique délivrance de titres de séjour par l’Australie, pays-continent pionnier dans le refus catégorique de l’immigration légale comme illégale.
Les organisations non gouvernementales, à l’instar de Human Rights Watch ou d’Amnesty International, dénoncent depuis plusieurs années la politique migratoire criminelle de l’Australie, qui traite les Afghans, les Syriens, les Irakiens ou les Somaliens fuyant leur pays en guerre comme de vulgaires délinquants ou des prisonniers de droit commun. « La situation sur l’île est très choquante, les réfugiés font de graves dépressions, il y a régulièrement des tentatives de suicide. Ils n’ont pas accès aux traitements médicaux, et sont souvent la cible de violences de la part de la population locale, et la police ne les protège même pas. En fait, le gouvernement australien mène une politique délibérée pour décourager les autres migrants », notait dès 2016 Anna Neistat, responsable des recherches pour Amnesty International, qui avait pu se rendre sur place pour « apprécier » les conditions de vie de ces nouveaux « damnés de la terre ». Car c’est bien l’enfer que vivent ces populations fuyant déjà des pays en guerre, incapables de rentrer chez eux et interdits d’accéder à l’eldorado australien, immense continent de 7,5 millions de kilomètres carrés peuplé de seulement 25 millions d’habitants. Et si des « milliards de dollars ont pu être versés à Manus et Nauru ces dernières années, rien ou presque n’a été concrètement versé pour venir en aide aux réfugiés », dénonce Ian Rintoul, porte-parole de l’organisation Refugee Action Coalition, qui milite pour les droits des demandeurs d’asile en Australie. Une dérive que vient d’illustrer un rapport publié le 25 octobre par l’organisation Transnational Institute et intitulé « Un mur contre le climat ».
Selon les calculs effectués par cette dernière, les pays les plus riches dépensent bien plus pour renforcer leurs frontières contre les migrants que pour aider les pays pauvres à affronter la crise climatique, principale motivation des candidats à l’exil, en particulier vers l’Australie. Ainsi, entre 2013 et 2018, sept pays gros émetteurs de gaz à effet de serre (Etats-Unis, Allemagne, France, Japon, Australie, Royaume-Uni et Canada) ont en moyenne dépensé 2,3 fois plus pour repousser les migrants, soit près de 33 milliards de dollars, que pour participer à la lutte contre le changement climatique (14,4 milliards de dollars). Un « palmarès » dominé par le Canada, suivi de près par l’Australie et par les Etats-Unis. Mais la France et l’Union européenne (UE) ne sont pas en reste. Car si Paris ne dépense « que » 1 milliard de dollars pour le contrôle de ses frontières – contre 1,6 milliard dans le financement climatique –, les statistiques demeurent faussées par l’explosion du budget de l’UE consacré à son agence de contrôle des frontières Frontex, lequel a augmenté de… 2 763 % entre 2006 et 2021.