À l’échelle d’une vie, à condition qu’ils soient heureux, les liens fraternels sont les plus durables dans le temps. Mais alors que le maintien des relations entre frères et sœurs placés est acté dans la loi du 30 décembre 1996, puis réitéré dans celle de 2016, ce droit n’est toujours pas effectif. Pour preuve, un amendement, voté par les députés le 7 juillet dernier dans le cadre du projet de loi relatif à la protection de l’enfance pose à nouveau le principe du regroupement des fratries dans un même lieu d’accueil. « Une avancée » selon les parlementaires, mais trop souvent négligée jusque-là. D’abord parce que, à l’image de l’évolution de la société, l’aide sociale à l’enfance (ASE) a privilégié les liens verticaux, parents-enfants, avant de s’intéresser aux liens horizontaux, en particulier fraternels. Ensuite, les professionnels ont craint que les fratries ne reproduisent entre elles les violences ou les relations incestueuses subies dans le cercle familial. Elles existent mais pas autant que redoutées. « Il faut se donner les moyens d’évaluer les situations avant de préjuger que cela se passera mal », pointe Daniel Marcelli, professeur émérite de psychiatrie de l’enfant et de l’adolescent, invité cette semaine de notre podcast SMS. A défaut d’identifier leurs besoins, les enfants paient pour les défaillances de leurs parents. Or, sans contre-indication ou danger dans la famille, la fratrie peut constituer une richesse pour le développement affectif et psychologique des enfants confiés. Une aide face au sentiment d’abandon et à l’idée de devoir s’en sortir seul. Elle représente également un levier pour les travailleurs sociaux qui les accompagnent (page 10). La protection de l’enfance en a conscience. Mais si peu de frères et sœurs sont accueillis ensemble, c’est aussi que les départements manquent de places d’hébergement dédiées. Le financement de 600 places est annoncé pour 2022. Certains n’ont pas attendu pour s’attaquer à cette préoccupation majeure. L’association SOS villages d’enfants l’a priorisée depuis 1956. Des familles d’accueil se montrent aussi inventives pour trouver des réponses adaptées. Dans les Pyrénées-Atlantiques, la transformation de la Mecs Brassalay offre une souplesse inédite pour accueillir des fratries d’âges différents tout en permettant à chacun d’évoluer dans son espace personnel en cas de besoin. Car l’idée n’est pas forcément d’être toujours ensemble mais de partager des moments de vie, de savoir que l’autre n’est pas loin (page 8). A Villabé, dans l’Essonne, l’association Action enfance l’a bien compris. Non seulement elle assure la continuité du lien familial, mais elle permet à chaque frère et sœur de grandir et de s’autonomiser (page 12). Un peu comme à la maison.
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Maintenir les liens
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