Malgré la nuit, le sommeil ne se laisse pas saisir. Les insomnies se multiplient et incitent à la cogitation. Des bruits pénétrants s’échappent des cellules mitoyennes. En prison, les sens se développent, deviennent des armes face au quotidien fuligineux de la détention.
La bande sonore de la cellule d’à côté laisse échapper la mélodie d’une célèbre série télévisée. De la cellule d’en face, un poste radio laisse s’échapper une chanson de rap à la mode. Et depuis celle du dessus perce le bruit d’une bagarre violente. Des insultes fusent entre les deux codétenus. Des cris sortent des fenêtres, des portes : les hurlements sont tellement puissants qu’on croirait une victime supplier son bourreau de ne pas la tuer.
Nos quatre cellules résument à elles seules la vie nocturne d’une prison : triste, bruyante, solitaire et pleine de promiscuité.
Au plafond, la seule lumière vient des projecteurs orangés qui éblouissent la façade. Les fenêtres sont privées de volets. Certains camarades tentent de les obstruer avec des serviettes de bain ou des couvertures, pour réduire l’éblouissement orange qui s’invite dans nos boîtes de 9 m2. C’est interdit mais, sur ce point, l’administration est tolérante.
Je penche la tête pour regarder si mon codétenu dort. Il occupe le lit du bas. Parler à quelqu’un est, à cet instant précis, vital. Las, il a dû avaler un cachet pour dormir, ce à quoi je me refuse.
Les mains le long du corps, tel un plongeur prêt à sauter d’une falaise, étendu sur le lit sans bouger, j’écoute ma respiration et le cliquetis continu des clés des surveillants qui poursuivent leurs rondes. Le froid est supportable, la fenêtre – mal isolée – laisse filtrer une légère brise qui, en entrant dans la cellule, provoque un sifflotement.
Je rêve éveillé du monde extérieur, et de la première personne que j’appellerai pour annoncer ma libération.