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Attractivité : les managers doivent s’adapter à la nouvelle génération

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Crédit photo Tim Douet
Le renouvellement des salariés du social, particulièrement dans les fonctions éducatives, bouscule des cadres pas suffisamment préparés. Parmi les clés pour répondre aux caractéristiques et exigences plus nombreuses des nouvelles recrues, le management de proximité semble être une solution adaptée.

C’est une lapalissade : la nouvelle génération de salariés n’est pas celle d’hier. C’est un constat : dans le contexte déjà tendu du recrutement dans les établissements sociaux et médico-sociaux, la comprendre et tenter de s’y adapter est une nécessité. Un premier signe du changement transparaît dans les difficultés de recrutement, tangibles dès l’entrée en formation initiale. « J’ai enseigné récemment dans des écoles du travail social en région parisienne, notamment pour la préparation aux concours, témoigne Céline Le Calvez, cheffe de service à la maison d’enfants à caractère social (Mecs) Jacques-Laval, à Eaubonne (Val-d’Oise). Nous avons constaté une baisse de l’attrait pour les métiers du social, particulièrement pour ceux d’assistante sociale et d’éducateur spécialisé. Au point de devoir organiser des sessions de recrutement supplémentaires pour l’entrée en formation une fois la rentrée passée. »

Conséquence ? Ceux qui choisissent ces métiers, moins nombreux, se montreraient également plus exigeants avec leurs potentiels employeurs. « Nous peinons à recruter quand le poste requiert de travailler le soir et la nuit, explique Nicolas Maigne, directeur de la Mecs et du SEJ (service éducatif de jour) de l’association Sainte-Marie, à Mazamet (Tarn). Les jeunes souhaitent plus souvent aller vers des métiers éducatifs en milieu ouvert, et rechignent parfois à se rendre au domicile des familles. Sans généraliser, évidemment, mais c’est une tendance forte. »

Quête de reconnaissance

Autre caractéristique : un goût du « nomadisme », ou de la liberté, qui conduirait nombre d’entre eux à refuser de signer des contrats à durée indéterminée. « Les jeunes professionnels ont parfois vécu auparavant plusieurs expériences et envisagent de continuer, constate Timothée Riquier, directeur du foyer de l’enfance des Alpes-Maritimes, à Saint-Raphaël. Ils se disent qu’ils vont tester le travail d’urgence, par exemple, et qu’ils verront bien après. » En quête de nouveauté, avec des désirs professionnels qui n’ont plus vraiment le goût de la « vocation » d’antan, ils ne rechercheraient pas non plus un statut plus protecteur, mais seraient davantage enclins à viser un meilleur salaire. « Le foyer départemental des Alpes-Maritimes est sous statut de la fonction publique, poursuit-il. Mais la fonction publique ne fait plus rêver. » Alors, « la part de contractuels et d’intérimaires ne cesse de croître. Pour les titulaires, les grilles de salaires sont verrouillées. Pour les personnes sous contrat, nous disposons d’une petite marge de manœuvre. Il nous arrive donc, en entretien de recrutement, de négocier les rémunérations, sans quoi nous ne pourrions fonctionner. » Une fois les embauches effectuées, les revendications peuvent se poursuivre, en particulier sur les conditions et horaires de travail. « Notre amplitude horaire s’étale de 7 h à 23 h. Il en est ainsi tous les jours, et cela ne changera pas. Les travailleurs sociaux doivent assurer un week-end toutes les deux à trois semaines, explique Céline Le Calvez. Dernièrement, une salariée que je venais de recruter a quitté son poste parce qu’elle refusait les week-ends. On a l’impression que certains imposent leurs règles et que l’on doit s’adapter, ce que l’on accepte parfois, mais à la marge. »

Pour Olivier Seux, coach, intervenant en analyse des pratiques, ces évolutions sont assez récentes et la crise sanitaire les a accentuées. « On observe depuis peu un changement d’attitude, particulièrement de la part des éducateurs spécialisés. Bien sûr, cette tendance traverse tout le monde du travail, mais elle concerne beaucoup de métiers qui n’ont pas très bien évolué dans le temps en termes de reconnaissance, de salaires, de conditions de travail. » Ceci s’ajoutant, selon les observateurs, à un nouveau contenu des formations. Avec des avantages, et des inconvénients. « Les jeunes diplômés pratiquent beaucoup plus l’écrit et l’évaluation, constate Céline Le Calvez. Ce qui peut être très bien et nous a beaucoup servi pendant la crise sanitaire, quand des travailleurs sociaux étaient absents et que nous avions besoin de comptes rendus pour reprendre leur travail. » Mais ce qui laisserait moins de place à une polyvalence encore recherchée. « Malgré les différences d’âge et de statuts, un esprit de solidarité dans les équipes perdure, constate Timothée Riquier. Toutefois, on sent bien que des modifications se sont produites dans la formation, les éducateurs relevant désor­mais de la catégorie A, avec plus de bagage théorique, conceptuel, et sans doute moins de polyvalence. » Le directeur s’est, par exemple, heurté à des refus de remplir des tâches essentielles, comme nourrir un enfant en l’absence de la professionnelle qui en a la charge. « Maintenant, ils se situent davantage en coordinateurs de projets. Ce qui est intéressant. Mais il faut souvent les réunir et rappeler que le travail doit servir d’abord l’intérêt de l’enfant, quitte à déborder parfois un peu du cadre. »

La proximité, une nécessité

Personne ne s’y trompe : les réponses strictement « matérielles » aux aspirations de ces nouveaux salariés ne suffisent pas. (Re)donner du sens, apporter de la reconnaissance et, surtout, échanger constamment : le leitmotiv, c’est le management de proximité. Les directeurs doivent s’adapter, Antoine Penaforte en a la certitude. Maître de conférences, intervenant dans le master « gestion des établissements sanitaires et médico-sociaux » du Conservatoire national des arts et métiers (Cnam), il pointe que « depuis une dizaine d’années, on constate une professionnalisation de la fonction ressources humaines dans les établissements sociaux et médico-sociaux. Mais nous sommes encore à la croisée de deux mondes, avec des directeurs et chefs de service qui n’ont pas vraiment les “clés du nouveau management” et des « néo-managers » qui arrivent et mettent en place des systèmes plus ouverts, plus flexibles, plus compréhensibles pour les nouvelles recrues. » Ainsi à l’AMFD 94 (association Aide aux mères et aux familles à domicile du Val-de-Marne), pour qui interviennent dans les familles essentiellement des techniciens d’intervention sociale et familiale, mais aussi des puéricultrices, des accompagnants éducatifs et sociaux. Souplesse et proximité, tels sont les maîtres mots de l’accompagnement managérial. « Nous favorisons beaucoup l’échange, par des séances d’analyses de pratiques, de réunions régulières. Et, parce que la volonté de lier vie personnelle et vie professionnelle apparaît davantage, nous envisageons avec plus de souplesse les modalités d’intervention, en adaptant les horaires, avec un consensus », explique Samia Reboul, cheffe de service. Le management de proximité se traduit également, pour les nouveaux salariés de l’AMFD 94, par un tutorat qui leur permet d’être accompagnés par un salarié expérimenté pendant quinze jours à trois semaines.

Favoriser les échanges

Pour Céline Le Calvez, dont la porte est « toujours ouverte », la dimension collective est essentielle pour manager les jeunes recrues, en attente non seulement de reconnaissance, mais aussi de participation aux projets et à la vie des établissements. « Ce qui me semble essentiel est qu’ils réfléchissent à ce dont les jeunes accueillis ont besoin et qu’ils soient force de proposition. » Exemple : quand les éducateurs remarquent que les soirées sont « compliquées à gérer », la cheffe de service les incite « à construire ensemble un projet, un planning d’activités ». Afin de formaliser ce management de proximité, elle aménage trois heures de réunion par semaine pour chacune des équipes participatives, « avec, toujours, un animateur et un chargé de compte rendu différents. Cela permet à tous de prendre la parole, de s’impliquer. » Ce qui comprend un moment réservé en particulier à la vie de groupe, avec une participation de la maîtresse de maison, ainsi qu’un moment intitulé « Oser dire », durant lequel « tout le monde, moi y compris, peut tout exprimer, à condition de rester dans la bienveillance ». Réajuster des pratiques de management tout en veillant à rappeler les fondamentaux des métiers : un exercice nécessaire mais parfois ardu, dans un monde où la « verticalité » du management a longtemps été la règle.

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