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L’aide médicale de l’état

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L’aide médicale de l’état

Crédit photo David Gautier
Dispositif d’accès aux soins au bénéfice des personnes étrangères en situation irrégulière, l’aide médicale de l’Etat est souvent controversée. Présentation de cette protection sociale dont les dernières dispositions, plus restrictives, sont entrées en vigueur en juin 2021.

L’aide médicale de l’état (AME) actuelle bénéficie aux étrangers en situation irrégulière et précaire et leur permet d’accéder au système de soins français, sous certaines conditions et pour certains soins, dans la limite des tarifs de base de la sécurité sociale. Le principe est fermement établi : quiconque, indépendamment, entre autres, de son état, de sa situation socio-professionnelle ou de sa nationalité, ne peut demeurer exclu du système de soins sur le territoire hexagonal. Réservée à une catégorie de personnes bien identifiée, cette aide obéit à un régime spécifique. Ce dernier a été créé par la loi n° 99-641 du 27 juillet 1999 portant création d’une couverture maladie universelle, marquant une avancée notable par rapport aux dispositifs précédents. Cependant, l’AME pourrait apparaître comme un régime fragile. En effet, ce seul sigle fait l’objet de critiques croissantes de la part de nombreux responsables politiques. Les arguments sont de deux ordres : un coût exorbitant – près d’un milliard d’euros par an inscrits sur le budget de l’Etat – et une fraude, sans réel contrôle, que l’on considère comme significative, consécutive notamment à une « immigration de complaisance pour soins ». En réaction, la loi n° 2019-1479 du 28 décembre 2019 de finances pour 2020 puis le décret n° 2020-1325 du 30 octobre 2020 ont réformé l’AME dans le sens d’un durcissement, les textes ayant restreint les conditions de son accès – notamment en matière de délai de carence pour les soins non urgents. Pour des raisons liées au contexte sanitaire, le dispositif est entré en vigueur le 1er juin 2021.

Le présent dossier propose un éclairage sur le régime de l’aide médicale de l’Etat, à l’aune des changements contemporains apportés par le droit. Trois temps se succéderont : l’éligibilité, les aspects procédu­raux et les droits effectifs qui en découlent pour les bénéficiaires.

I. Les différents types d’aide médicale de l’état

A titre liminaire, l’aide médicale de l’Etat est régi par les articles L. 251-1 à L. 254-2 et R. 251-1 à D. 253-4 du code de l’action sociale et des familles, qui ont codifié, en la matière, les dispositions issues des lois et décrets qui se sont succédé depuis 1999.

On dénombre trois types d’AME, dont le coût est pris en charge grâce à des dotations budgétaires de l’Etat.

L’AME de droit commun. Représentant environ 90 % du budget consacré à l’aide médicale de l’Etat, ce dispositif prend en charge certains soins de santé des personnes étrangères en situation irrégulière qui cumulent les conditions suivantes :

• être résident en France depuis plus de 3 mois de façon ininterrompue (voir ci-contre) ;

• remplir certaines conditions de ressources (voir tableau page 18).

L’AME pour soins urgents. Ce type d’AME a vu le jour en 2003 et vise les étrangers en situation irrégulière ne respectant pas le critère de résidence stable pour bénéficier de l’AME de droit commun, mais qui montrent des besoins de soins d’urgence dont le défaut pourrait gravement porter atteinte à leur santé (pronostic vital engagé…). Subventionnée par l’Etat, l’assurance maladie prend en charge ces dépenses de santé.

L’AME versée à titre humanitaire. Cette aide est accordée aux personnes ne résidant pas habituellement en France, mais qui y effectuent un court passage, notamment les étrangers titulaires d’un visa touristique, d’un visa de court séjour… Les décisions d’attribution de cette aide se prennent au cas par cas, par décision ministérielle. Une centaine de personnes par an est concernée.

Seule l’AME de droit commun nous retiendra, les deux autres pouvant être dispensées des conditions précitées.

A noter : Très marginale, on citera enfin le cas de l’aide médicale de l’Etat pour les personnes gardées à vue, qui se limite à la prise en charge des médi­caments, si l’intéressé ne dispose pas des moyens nécessaires à leur acquisition,et aux actes infirmiers prescrits. Pour son financement, il est prévu une délégation de crédits aux directions départementales chargées de la cohésion sociale.

II. L’éligibilité à l’aide médicale de l’état de droit commun

L’aide médicale de l’Etat de droit commun s’adresse aux étrangers (en ce compris les ressortissants européens inactifs) en situation irrégulière et qui disposent :

• d’une justification d’identité ;

• d’une résidence stable en France (France métropolitaine et les outre-mer, à l’exception de Mayotte, où l’AME n’est pas applicable) supérieure à 3 mois ;

• d’un plafond de ressources inférieur à celui de la complémentaire santé solidaire (voir tableau page 18).

A noter : Le décret n° 2020-715 du 11 juin 2020 autorise les organismes de sécurité sociale à accéder à la base de données relative aux étrangers sollicitant la délivrance d’un visa en France – base de données dite « Visabio » – afin de vérifier que les demandeurs du bénéfice de l’AME sont effectivement en situation irrégulière. Les modalités de consultation de cette base de données ont depuis été détaillées par la circulaire n° 34/2020 du 15 décembre 2020 de la Caisse nationale d’assurance maladie.

L’AME est également attribuée aux personnes à charge du bénéficiaire :

• son conjoint, concubin ou partenaire de pacte civil de solidarité (Pacs) ;

• ses enfants mineurs de moins de 16 ans ou jusqu’à 20 ans, en cas de poursuite d’études ; elle est octroyée sans conditions aux mineurs dont les parents sont en situation irrégulière, même lorsque ces derniers ne bénéficient pas encore de l’AME ou que leur dossier a fait l’objet d’un refus.

A noter : Les membres de la famille du bénéficiaire de l’AME résidant à l’étranger et qui sont en visite en France ne peuvent prétendre à l’AME au titre de personnes à charge. Cependant, ceux-ci peuvent demander l’AME à titre humanitaire en cas de nécessité ou par le biais d’un dispositif de soins internationaux, si un accord existe entre leur pays d’origine et la France.

III. La demande et les aspects procéduraux

A. La justification des éléments indispensables à l’éligibilité à l’AME

Comme déjà indiqué, trois conditions sont exigées – identité, résidence stable, ressources pour bénéficier de l’AME. Envisageons, au regard de ces trois conditions, les éléments essentiels qui suivent dans la perspective d’une demande d’AME.

La justification de l’identité. Pour justifier de son identité et de celle des personnes à sa charge vivant en France (voir page 17) , le demandeur de l’aide médicale de l’Etat a le choix de fournir l’une des pièces suivantes :

• passeport (copie de toutes les pages du document) ;

• carte nationale d’identité ;

• extrait d’acte de naissance ou livret de famille (en cas de rédaction en langue étrangère, ces documents doivent être traduits par une personne assermentée auprès des tribunaux français ou par le consul, en France, du pays ayant établi le document) ;

• copie d’un ancien titre de séjour ;

• tout type de document attestant de l’identité du demandeur ou de celle de ses personnes à charge (ex. : permis de conduire, carte professionnelle du pays d’origine, carte d’étudiant…).

La justification de la résidence stable. Le demandeur de l’AME doit présenter l’un des documents suivants :

• visa ou passeport indiquant la date d’entrée en France antérieure à 3 mois ;

• copie du contrat de bail, d’une quittance de loyer ou d’une facture d’hôtellerie datant de plus de 3 mois ;

• facture d’électricité, de gaz, d’eau ou de téléphone fixe datant de plus de 3 mois ;

• avis d’imposition ou de non-imposition datant de plus de 3 mois ;

• si le demandeur est hébergé à titre gratuit par une personne physique, une quittance de loyer ou une facture d’électricité, de gaz, d’eau ou de téléphone fixe établie au nom de l’hébergeant et datant de plus de 3 mois ;

• en cas d’hébergement dans un centre d’hébergement ou de réinsertion sociale, une attestation d’hébergement établie par le centre et datant de plus de 3 mois ;

• en cas d’absence d’un domicile fixe, une attestation de domiciliation dressée gratuitement par un organisme agréé (ex. : centre communal d’action sociale ou association agréée) et datant de plus de 3 mois ;

• tout autre document datant de plus de 3 mois, tel qu’un document d’un organisme privé à vocation sanitaire ou sociale (notification de refus de demande d’asile…).

La justification des ressources. Les ressources du demandeur ne doivent pas dépasser un certain plafond, prenant en compte la composition du foyer et du lieu de résidence (voir tableau ci-contre).

Les ressources prises en compte dans le calcul des droits à l’AME sont celles des 12 mois précédant la demande.

L’ensemble des ressources imposables ou non, perçues en France et/ou à l’étranger, pour tous les membres du foyer, doivent être déclarées.

Le demandeur de l’AME doit déclarer les ressources suivantes :

• salaires (après déduction de la CSG et de la CRDS) ;

• revenus non salariaux de l’année fiscale précédente (année N – 1) ;

• allocations diverses (ex. : familiales, chômage…) ;

• pensions reçues (ex. : retraite, rente, pension alimentaire…) et versées, dans la perspective d’être déduites ;

• autres ressources (ex. : location de biens immobiliers…).

A noter : En cas d’impossibilité pour le demandeur de l’aide médicale de l’Etat de fournir les pièces­ justificatives demandées, celui-ci peut effectuer une déclaration sur l’honneur, qui sera jointe à son dossier.

Le lieu du dépôt de la demande d’AME. Pour une première demande, un formulaire type (cerfa n° 11573*06 : « Demande d’aide médicale de l’Etat », disponible auprès de chaque caisse d’assurance maladie) doit être déposé personnellement à l’accueil d’un organisme d’assurance maladie. La présence physique du demandeur sur les lieux d’accueil permet la vérification de l’identité du demandeur.

Afin d’être assisté dans la constitution et la transmission du formulaire, le demandeur peut prendre contact avec le centre communal d’action sociale de son lieu de résidence, une association agréée, un service sanitaire et social ou un établissement de santé.

B. De l’instruction de la demande à la décision de l’organisme d’assurance maladie

L’instruction de la demande et décision d’attribution de l’AME. L’instruction de la demande d’AME et la décision de son attribution – ou de sa non-attribution – relèvent de la compétence de la caisse primaire d’assurance maladie (CPAM). La caisse dispose d’un délai de 2 mois après le dépôt du dossier pour faire connaître par courrier sa position. L’absence de réponse dans ce délai signifie que la demande d’AME a fait l’objet d’un refus.

L’acceptation de la demande. En cas d’acceptation de la demande d’AME, la caisse d’assurance maladie se charge de remettre directement et gratuitement la carte d’admission à l’AME à son bénéficiaire ; elle est nominative et comprend son numéro d’identification et sa photographie. Le numéro d’identification AME ne correspond cependant pas à un numéro de sécurité sociale habituel, il ne donne droit ni à une Carte Vitale, ni à une carte européenne d’assurance maladie. En outre, le bénéfice de l’AME est valable 1 an, à compter de la date de dépôt de la demande.

Enfin, l’ouverture des droits à cette aide est rétroactive à la date de dépôt du dossier.

Une fois obtenue, la carte AME permet à son titulaire de faire valoir ses droits auprès des professionnels de santé et de bénéficier de la dispense d’avance des frais (voir page 20).

Le refus de la demande. En cas de refus d’attribution de l’AME, deux voies sont possibles pour le contester, dans les 2 mois à partir de la réception du courrier portant refus ou dans les 2 mois à partir de l’expiration du délai de 2 mois consacré à l’instruction de la demande en cas de silence de la CPAM :

• un recours gracieux auprès du directeur de la caisse d’assurance maladie ;

• et/ou un recours contentieux auprès de la commission départementale d’aide sociale.

Le renouvellement de l’AME. Il n’existe aucun renouvellement automatique ou de droit du bénéfice de l’AME. Une demande de renouvellement doit être effectuée 2 mois avant la date d’échéance mentionnée sur la carte d’admission à l’AME. Le bénéficiaire doit envoyer le formulaire de demande d’AME et les pièces justificatives à sa caisse de sécurité sociale.

IV. Les droits effectifs ouverts par l’aide médicale de l’état

A. Les soins éligibles au bénéfice de l’AME

Les titulaires de l’AME ne sont pas tenus de suivre le parcours de soins coordonnés et ne sont pas astreints au dispositif du médecin traitant. En tout état de cause, les droits ouverts par l’AME concernent les soins suivants.

Les soins de santé médicaux et hospitaliers. Le titulaire de l’aide médicale de l’Etat bénéficie de la prise en charge intégrale, avec exonération du ticket modérateur, dans la limite des tarifs de base de la sécurité sociale :

• des soins médicaux ;

• des médicaments remboursés à 100 %, 65 % ou 30 % ;

• des frais d’analyses médicales ;

• des frais d’hospitalisation et d’intervention chirurgicale ;

• des frais d’examen prénuptial ;

• des frais liés à certaines vaccins et dépistages.

A noter : Depuis le 1er juin 2021, date d’entrée en vigueur du dispositif revu par la loi n° 2019-1479 du 28 décembre 2019 de finances pour 2020 et le décret n° 2020-1325 du 30 octobre 2020, certains soins et traitements non urgents sont pris en charge à l’issue d’un délai de carence de 9 mois après l’admission à l’AME pour tout nouveau bénéficiaire majeur ou pour la personne n’ayant pas bénéficié de l’AME depuis plus de 1 an. Cependant, des exceptions existent. Ainsi, les mineurs ne sont pas concernés par ce délai. Par ailleurs, si l’absence de réalisation de ces prestations avant l’expiration de ce délai est susceptible d’avoir des conséquences vitales, graves ou durables sur l’état de santé de la personne, une prise en charge peut être accordée, après accord préalable du service médical de l’assurance maladie, le professionnel de santé devant remplir une demande préalable de prise en charge dérogatoire de certains soins non urgents au titre de l’AME.

Les soins liés à la maternité. En cas de maternité, l’AME assure la prise en charge à 100 % des frais médicaux, hospitaliers, pharmaceutiques, d’analyses médicales et d’accouchement, dans la limite du tarif de base de la sécurité sociale.

En outre, le dispositif autorise la prise en charge des frais de santé de la femme enceinte tels que :

• la surveillance médicale ; les examens prénataux et postnataux obligatoires ;

• les examens médicaux obligatoires des enfants de moins de 6 ans.

A noter : L’aide médicale de l’Etat prend également en charge les frais engendrés par les actes d’interruption volontaire de grossesse et ceux liés à la contraception.

Les prothèses et soins dentaires. Les soins et prothèses réalisés chez le dentiste par un bénéficiaire de l’AME sont pris en charge à 100 % sans avance de frais, dans la limite des tarifs de base de l’assurance maladie.

Les frais d’optique. Chez l’opticien, le titulaire de l’aide médicale de l’Etat peut, sur présentation de sa carte, bénéficier d’une prise en charge intégrale de ses frais d’optique, dans la limite des tarifs de base de la sécurité sociale.

A noter : Tant en matière d’optique qu’en matière dentaire, l’accès aux soins peut se relever très onéreux. En effet, pour rappel, la prise en charge se limite aux tarifs de base de la sécurité sociale. En conséquence, les dépassements d’honoraires de dentistes et le caractère dérisoire des remboursements des équipements d’optique peuvent laisser un reste à charge très conséquent, voire rédhibitoire, pour le bénéficiaire de l’AME.

B. Quelques types de soins exclus du dispositif

Certaines prestations sont exclues du dispositif, sauf pour les mineurs. En conséquence, ne sont pas prises en charge par l’assurance maladie les prestations suivantes :

• les cures thermales ;

• les actes liés à la procréation médicalement assistée (PMA) ;

• les médicaments à faible service médical rendu (SMR), remboursés à hauteur de 15 %.

Quelques chiffres fin 2021 et pérennité du dispositif de l’AME

Le budget de l’AME a doublé depuis 2015. Un seuil symbolique est cependant franchi par le projet de loi de finances pour 2022. Ainsi, le milliard d’euros est atteint, hors soins urgents, dans les documents budgétaires, contre une enveloppe de 990 millions d’euros pour 2021. Dans le même temps, Olivier Véran, ministre des Solidarités et de la Santé, a apporté les chiffres suivants :

• 383 000 étrangers ont bénéficié en 2020 de l’AME, l’aide de droit commun, qui couvre à 100 % les frais médicaux et hospitaliers des étrangers présents en France depuis au moins 3 mois, concentrant l’écrasante majorité des dépenses, soit environ 90 % de celles-ci ;

• le coût total de l’AME pour soins urgents atteint le chiffre de 70 millions d’euros, alors que l’AME versée à titre humanitaire et pour les personnes gardées à vue connaît un coût de 1,5 million d’euros par an.

Malgré la hausse continue du coût de l’AME, la volonté de la préserver est intacte. Selon des propos tenus par Olivier Véran à l’Assemblée nationale, en mai dernier, « la très large majorité de ces dépenses sont nécessaires et incompressibles », ajoutant que « le gros de l’AME, ce sont des situations de détresse » et que « ce n’est que la reconnaissance par l’Etat du fait que des soins sont accordés à des gens qui en ont besoin, c’est le principe de réalité ». Enfin, le ministre a martelé que le dispositif « contribue à préserver l’ensemble de la population des risques épidémiologiques et sanitaires ».

Demandeurs d’asile et AME

Les demandeurs d’asile ne sont pas éligibles à l’aide médicale de l’Etat. Ils peuvent cependant, en matière de santé, prétendre à la protection universelle maladie (Puma), ainsi qu’à la complémentaire santé solidaire (CSS), à compter d’un délai de 3 mois de résidence ininterrompue sur le territoire français.

Dans l’attente d’être affiliés à la Puma, les demandeurs d’asile peuvent être pris en charge au titre du dispositif des soins urgents.

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