Recevoir la newsletter

Faim aux frontières

Article réservé aux abonnés

Crèvecœur. C’est le nom de la place à Calais où a été construite en 1870 l’église Saint-Pierre. Crèvecœur, c’est aussi un nom lourdement chargé d’actualités. Après la mort d’un jeune de 20 ans la semaine dernière, son enterrement, la manifestation organisée par les exilés pour dénoncer leurs conditions de vie et les expulsions quotidiennes qui se poursuivent, les cœurs sont crevés et les corps épuisés. Lundi 11 octobre, dans un sursaut d’indignation, trois personnes ont investi cette église pour y entamer une grève de la faim illimitée. « Faim aux frontières », c’est le nom qu’a adopté leur comité de soutien en reconnaissance de leur geste de révolte.

Une grève de la faim, ça n’est jamais anodin. Gandhi a jadis utilisé cette méthode de contestation qui met le corps, et la vie, en danger. Les suffragettes britanniques aussi. Les Républicains irlandais également, mais Maggie Thatcher les avait laissés dépérir jusqu’à la mort. Anaïs Vogel et Ludovic Holbein, la trentaine militante, et le père Philippe Demeestère, 72 ans, aumônier du Secours catholique, ont décidé au lendemain des événements tragiques de ces dernières semaines de suivre leurs traces. Avec le soutien de nombreuses associations et collectifs qui œuvrent ici.

Dans la pénombre de l’église, ils ont installé trois lits de camp, quelques couvertures, une théière et des tracts. Quelques minutes après leur arrivée, un monsieur des renseignements territoriaux est directement venu leur rendre visite, pour transmettre ensuite à sa hiérarchie ce qui se trame. Tous les jours, depuis, il passe les voir et s’enquiert de leur situation. Sur l’un des flyers écrits par les personnes exilées, il est noté : « Ayez pitié des passants. » Les passants, ce sont eux, qui veulent simplement passer en Angleterre. Il se conclut par : « Nous sommes inébranlables car nous n’avons pas quitté notre pays par choix mais nous avons fui à cause de la guerre, de la peur pour nos vies et de la souffrance. »

Depuis, leur vie dans l’église est rythmée par le passage des soutiens, des exilés, des associatifs et des journalistes. Une bonne dizaine de rédactions locales, nationales et internationales sont déjà venues se faire l’écho de leurs demandes – le père Philippe récuse le terme de « revendications ». Elles sont limpides : l’arrêt des expulsions durant la trêve hivernale, la fin du racket des affaires personnelles des exilés lors de ces expulsions et, surtout, l’ouverture d’un réel dialogue entre autorités et associations non mandatées par l’Etat.

Au septième jour, le dimanche soir, les yeux témoignaient de leur fatigue mais leurs sourires continuaient de caractériser une détermination sans faille. Assis en rond sur les petites chaises de prière, une dizaine de soutiens discutent avec les trois grévistes, alors que les derniers rayons du soleil percent à travers les vitraux. Le père Philippe lance, rieur : « Un cantique que je connais depuis l’enfance se demande qui habitera dans la maison de Dieu. Maintenant, on dirait bien que c’est moi. »

Une saison en migrations

S'abonner
Div qui contient le message d'alerte
Se connecter

Identifiez-vous

Champ obligatoire Mot de passe obligatoire
Mot de passe oublié

Vous êtes abonné, mais vous n'avez pas vos identifiants pour le site ?

Contactez le service client 01.40.05.23.15

par mail

Recruteurs

Rendez-vous sur votre espace recruteur.

Espace recruteur