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Grégory

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J’ai partagé cette pièce avec Grégory. La prison n’était pas une découverte pour lui. Il en a d’emblée fait part, tel un trophée. S’imposer comme le « patron » de la cellule revêtait pour lui une grande importance. A 36 ans, il en paraissait dix de plus. Le bouc taillé de son visage le vieillissait. Un t-shirt trop court masquait mal un ventre rond. Dealer de la drogue place de Clichy l’a mené jusqu’ici. Oh, « pas grand-chose, juste un kilo ».

Il occupait la place du bas du lit superposé. Accaparer cette place est un signe de domination au sein de la vie cellulaire. Le détenu qui monte sur celui du haut est soumis au rythme de sommeil de l’autre car, en grimpant sur la minuscule échelle, le meuble bouge dans tous les sens. Prudence et dextérité s’imposent lorsqu’une envie pressante de milieu de la nuit contraint à se lever.

L’un des gars de la cellule située au premier étage, juste au-dessus de la nôtre, a tapé le sol pour « faire connaissance » en parlant à travers la fenêtre. Avec Grégory, ils ont échangé longuement, évoquant des « cités » de banlieue dont j’ignorais l’existence, des noms d’hommes sonnant comme ceux d’autant de caïds hors les murs.

Grégory façonnait son image et tentait de s’offrir une crédibilité. Originaire de Paris, il a réussi à imiter l’accent du Sud, prétendant ainsi venir de Marseille. Une ville synonyme à ses yeux de respectabilité. Il est allé jusqu’à changer son prénom lorsque le détenu à l’étage supérieur lui a demandé qui il était : « Abdullah ! », a-t-il répondu sans hésitation. Ne pas être assimilé aux « blancs », dire que l’on ne mange pas de porc pour éviter les ennuis, jurer sans arrêt « sur le Coran » à chaque fin de phrase lorsqu’il s’adressait à autrui était devenu chez lui une seconde nature.

Le repas est arrivé, il a fallu se préparer. « Bouffer la gamelle », le repas servi par l’administration, est un acte d’allégeance mal perçu par les autres prisonniers. Mais, la faim au ventre et n’ayant pas encore eu la chance de pouvoir acheter des produits alimentaires, je me suis contenté de ce qui m’était proposé.

La table minuscule ne nous permettait pas de manger à deux en même temps. J’ai donc déjeuné sur la couchette haute du lit superposé, mon assiette posée sur les genoux. Après le repas, le calme plat. Allongé sur mon lit, Grégory fumait clope sur clope.

Une saison à l’ombre

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