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« La folie n’est pas seulement biologique »

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En 2012, la Haute Autorité de santé a couronné les thérapies cognitivo-comportementales dans la prise en charge de l’autisme, écartant sans les exclure les thérapies par la parole. Une décision sur fond de controverses.
Les neuro­sciences ont-elles vraiment pris le pouvoir dans le traitement de l’autisme ?

Elles ont déjà pris le pouvoir au plan sémantique. On parle exclusivement de « trouble neurodéveloppemental ». Les anciennes catégories comme les psychoses infantiles ont disparu du vocabulaire professionnel. Cette nouvelle terminologie n’a pas davantage de validité. Mais le mot « neuro » élimine la dimension psychopathologique. Or, même si les causes d’un trouble comme l’autisme sont génétiques, neurologiques ou biologiques, le retentissement psychique sur le sujet et son environnement est élevé. D’où l’intérêt que les psychanalystes et les psychologues cliniciens continuent d’investiguer ce champ. Le problème est que la Haute Autorité de santé se trouve sous la coupe des comportementalistes et des associations de parents très opposés à la psychanalyse. On dirait presque une psychophobie tant ils sont agressifs à notre égard. Par une habile stratégie de lobbying et de communication, ce sont eux qui ont pignon sur rue. L’erreur stratégique des psychanalystes est d’avoir refusé pendant longtemps toute évaluation.

Assiste-t-on à la revanche des « scientistes » ?

C’est tout à fait cela. Les parents d’autistes ont terriblement souffert d’hypothèses étiologistes portées par les psychanalystes qui consistaient à les incriminer, et à culpabiliser en particulier les mères. On confondait les causes et les conséquences. Un certain nombre de parents étaient très perturbés par la relation avec leur enfant, et on a considéré que c’était parce qu’ils allaient mal que leur bébé ne se développait pas bien. Alors que c’était le contraire. Excepté quelques dogmatiques, cette façon de penser n’existe plus. La recherche en neurosciences constitue un progrès, mais il faut la distinguer du discours idéologique. On nage dans une sorte de bulle spéculative. Pour l’instant, rien n’est véritablement démontré scientifiquement concernant les maladies mentales et les troubles neurodéveloppementaux. On en est aux présomptions. Et dans l’autisme, qui ne représente pas forcément un syndrome vraiment constitué, on mélange beaucoup de choses.

Quelle est l’efficacité des thérapies cognitivo-comportementales ?

Des études montrent des effets positifs, mais la plupart sont biaisées par des conflits d’intérêts et des échantillons de population très réduits. Les résultats ne sont absolument pas à la hauteur de ce qui est avancé. Leurs promoteurs prétendent par exemple que, à terme, les thérapies cognitivo-comportementales permettent d’intégrer 50 % des enfants autistes à l’école. En réalité, l’inclusion ne concerne que 5 % à 10 % d’entre eux. Ce sont des discours de propagande. Pour autant, ces méthodes fondées sur des apprentissages répétitifs et intensifs, que d’aucuns comparent à du dressage puisqu’elles consistent à récompenser l’enfant à chaque fois qu’il réussit un exercice et, inversement, à le sanctionner quand il échoue, ne sont pas inutiles pour le stimuler et l’éduquer. Néanmoins, elles ne doivent pas s’opposer et exclure les thérapies par la parole qui, chez les enfants autistes, peuvent produire de bons résultats. Elles leur permettent de prendre conscience de l’altérité et de leur propre subjectivité. Sans aller jusqu’à dire « je », ils peuvent sortir de leur bulle et progresser dans leurs interactions.

Comment expliquez-vous l’engouement « neuromaniaque » actuel ?

Les neurosciences drainent beaucoup de fantasmes. C’est comme si tout provenait d’une anomalie du cerveau, comme si l’imagerie cérébrale s’apparentait à un nouveau microscope nous permettant d’affirmer en direct comment et avec quels neurones nous pensons. Cet imaginaire peut faire rêver. Et puis c’est l’idée que la folie et la maladie mentale vont être domptées. Mais la folie n’est pas seulement biologique, c’est plus compliqué. Elle est aussi sociale, anthropologique, etc. Ne penser qu’à travers les neurosciences en psychiatrie me paraît dangereux. Comme l’a souligné le sociologue Alain Ehrenberg, on est passé de la santé mentale à la santé comportementale. En résumé, oui à la science, non au scientisme et au réductionnisme.

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