Si les clivages sont à la mode, il est finalement assez rare qu’une situation soit réellement manichéenne. A Calais, c’est pourtant bien le cas lorsque l’on prend la peine de s’arrêter factuellement sur la situation des exilés qui tentent de rejoindre les côtes anglaises.
De notre côté de la Manche, les forces de l’ordre ne leur laissent aucun répit. Vol de leurs biens et de leurs tentes. Même au cœur de l’hiver. Interdiction d’emprunter les transports en commun. Même pour des mamans qui portent leurs bébés. Empêchement d’accéder aux points d’eau mis à leur disposition par des ONG. Même en période de canicule et alors qu’il leur faut parcourir jusqu’à 10 kilomètres à pied pour trouver de quoi se désaltérer. Une liste loin d’être exhaustive.
En choisissant de passer une « saison en migrations » dans cette commune du nord de la France, la rédaction des Actualités sociales hebdomadaires savait qu’elle serait amenée à révéler beaucoup de cruauté, de petits calculs politiciens et de lâcheté. Mais pas que Louis Witter, notre envoyé spécial sur place, serait le témoin d’un véritable trou noir pour les droits humains.
Sur ces quelques kilomètres carrés, et malgré le travail quotidien d’associations volontaires, la France bafoue tous ses idéaux humanistes. Un renoncement qui s’incarne jusqu’à la caricature dans les violences policières auxquelles sont confrontés migrants, associatifs et journalistes.
La récente visite de Gérald Darmanin, abjectement mise en scène sur une plage d’où partent les candidats à la traversée, en apporte la démonstration. Interrogé sur l’attitude des forces de l’ordre, le ministre de l’Intérieur s’est contenté de leur adresser un satisfecit.
Dans un contexte électoraliste qui penche toujours plus à droite, le gouvernement joue là une partition sécuritaire à moindres frais sur le dos de personnes qui ont tout quitté, souvent vécu le pire et sont prêtes à risquer leur existence pour espérer une vie meilleure.
Une attitude difficilement compréhensible alors même que le pensionnaire de la place Beauvau reproche à Londres de ne pas tenir les engagements prévus par les accords du Touquet quant au financement du déplacement effectif de la frontière franco-anglaise de Douvres à Calais.
Cette sombre « realpolitik » n’est ni comprise, ni acceptable. Pour tenter d’infléchir l’attitude de l’Etat, deux bénévoles et un prêtre ont choisi une voie radicale : la grève de la faim. Face à une telle extrémité, la préfecture du Pas-de-Calais s’est contentée de « déplorer la méthode ».