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Crise, pénurie et rationnement

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Tout au long des années 1940, les travailleurs sociaux ont été confrontés aux demandes d’une part de plus en plus importante de la population victime des pénuries de biens de consommation. Si la situation actuelle n’a que peu d’éléments en commun avec l’ampleur des privations causées par la guerre, l’étude de la gestion de ces pénuries permet de réfléchir aux effets d’une crise sur nos habitudes de consommation.

A vrai dire, les épisodes de disette, à l’origine de famines récurrentes, ponctuent l’histoire des sociétés humaines. Les révoltes de la faim constituent d’ailleurs une source d’inquiétude majeure pour les pouvoirs politiques. Louis XIV l’a bien compris, lui qui a chargé ses intendants de procéder à la réquisition de stocks et à l’envoi de blé d’une province à l’autre lors des crises de subsistance, surtout pour protéger Paris. Le développement du chemin de fer au XIXe siècle, en facilitant le transport des marchandises, a éloigné ce spectre. Seules les grandes crises du XXe siècle sont venues remettre en question cet équilibre.

La désorganisation de l’économie des temps de guerre conduit les auto­rités à réguler les flux et à contrôler les prix. En 1940, l’occupation d’une partie du territoire français par les nazis a entraîné des réquisitions en tout genre : aliments, bétail, bicyclettes, métaux ou encore vêtements. Le système des cartes de rationnement, déjà mis en place en France à la fin de la Première Guerre mondiale pour le pain et le sucre, est réinstauré au printemps 1940 et va se prolonger jusqu’en 1949. Pendant la Seconde Guerre mondiale, les produits frais (légumes, fruits, viande, lait, œufs) ont été les premiers à manquer. Les autorités ont alors préconisé de développer des produits de substitution. Le café, par exemple, doit être mélangé à la chicorée, aux racines de pissenlit ou aux pépins de raisin grillés. Dans un autre domaine, la réquisition de l’essence par l’occupant a amené les fabricants automobiles à concevoir des gazogènes, véhicules fonctionnant grâce à la combustion de bois ou de charbon.

Les restrictions alimentaires ont un impact sur les corps : la ration calorique, qui a baissé considérablement entre 1939 et 1945, était insuffisante pour répondre aux besoins physiologiques des individus. Sur cette période, la taille et le poids moyens des populations ont baissé. Pourtant, ces dernières ne sont pas restées passives : à côté du marché noir, des manifestations ont lieu dans la France occupée, malgré les interdictions. L’historienne Danielle Tartakowsky a recensé 253 rassemblements de ménagères entre 1940 et 1944 : ainsi, le 17 avril 1941, afin de nourrir leurs familles, 200 femmes ont réclamé du pain et des pommes de terre devant la mairie puis la sous-préfecture de Dunkerque, où elles ont été refoulées. Confrontées aux manques, les sociétés se sont adaptées et, parfois, indignées contre un régime dictatorial et collaborateur. Les causes de nos privations ont bien changé.

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