Aider n’est pas encourager

« Non aux salles de shoot en quartier résidentiel », avertit une affiche accrochée à un balcon. Un écho à l’actualité et au débat, toujours prégnant, sur l’utilité de ces salles. Pendant un an et demi, Cécile Dumas et Edie Laconi, coréalisateurs du documentaire Ici, je vais pas mourir, se sont glissés entre les murs de l’un de ces lieux de consommation à moindre risque, près de la gare du Nord, dans le X^e arrondissement de Paris. « C’était soudain comme un pont entre deux rives, la possibilité de ne pas s’arrêter aux peurs qui ont poussé beaucoup d’habitants du quartier à accrocher des pancartes hostiles à leurs fenêtres », souligne Cécile Dumas. Leur film se déroule en huis clos, à l’intérieur de la salle, comme protégé du monde. Dehors, c’est le danger : la police, la manche, la solitude, la honte, la stigma­ti­sation, l’invisibilité. L’overdose. « La drogue te ramène à la mort, c’est pas une vie. On fait du mal à personne, on se fait du mal à nous. Ici, c’est ma maison », lâche Marco, accro aux « galettes » de crack comme son copain Jeff. La salle leur évite d’aller s’injecter de l’héroïne ou de la cocaïne dans les parcs, les parkings souterrains et les toilettes publiques. Ils s’y sentent en sécurité, moins isolés, et peuvent s’y reposer sans se cacher. Julie, 24 ans, est dépendante de l’héroïne depuis quatre ans. Elle dort souvent dans la rue, se lave aux bains-douches. Depuis qu’elle fréquente la salle, elle a pu se faire dépister, vacciner et soigner contre l’hépatite B : « Les gens ont une mauvaise image des salles de shoot. Moi, c’est grâce à son équipe que j’ai pu m’informer et que je vais commencer une cure au centre Marmottan dans quinze jours. » Un documentaire au plus près d’une réalité parfois dérangeante, entre espoir et désespoir, entre pulsion de mort et instinct de vie. Sa réussite ? Balayer les préjugés. Les toxicomanes sont avant tout des personnes dépendantes d’un produit qui ont besoin d’aide, et pas des pestiférés.