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La gradée

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La porte de la salle d’attente s’ouvrit brusquement. Une femme portant un polo à manches courtes bleu ciel apparut dans l’encadrement. Les trois détenus que nous étions se figèrent en la regardant.

Je me levai à l’appel de mon nom. Tout au long de ma détention, je ne serai plus appelé que par mon patronyme.

Les quelques mètres à parcourir jusqu’à son bureau apparurent pour ce qu’ils étaient : une petite bouffée d’oxygène. Comme chaque chose insignifiante lorsque l’on est dehors.

Le bureau immaculé tranchait radicalement avec le reste de l’environnement. Le blanc y était indécent.

Son talkie-walkie crépitait. Je tentais de décrypter des bribes de conversation radio. Mais les crépitements l’agaçaient. Et elle baissa le volume.

Comme l’infirmière, elle posait de nombreuses questions : était-ce ma première fois en prison ? voulais-je travailler en détention ? étais-je fumeur ?

Se tenir à carreau. C’était la principale information à retenir de ses explications concernant le fonctionnement de « la taule ».

La détention provisoire, surtout lorsque l’on se sait innocent, a ceci de particulier que l’on subit une punition préventive sans savoir si elle sera justifiée. A l’image de Minority Report, ce film à la gloire de Tom Cruise dans lequel une société futuriste dystopique éradiquerait les crimes en se dotant d’un système de prévention, de détention et de répression très sophistiqué.

La question de la lieutenante pénitentiaire me ramena brutalement dans l’instant : « Avez-vous des tendances suicidaires ? »

Le « non » appuyé de ma réponse me valut un peu de rab sur la discipline : « Faudra pas bouger une oreille, hein ? »

La sidération de l’infantilisation opérait déjà son œuvre sur la psyché des prisonniers. Et laissait présager quelque chose de plus sombre, nous indiquant que nous n’en sortirions pas indemne. Ni physiquement ni psychologiquement.

La lieutenante m’imposa un co-détenu non-fumeur : « Vous verrez, il est tranquille, il s’appelle Grégory. » Et m’accompagna jusqu’à ma cellule.

Une saison à l’ombre

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