Il est rare qu’une notion si peu définie occupe un rôle aussi central dans l’actualité. C’est pourtant le cas pour celle d’« autorité », maniée jusqu’à l’écœurement dans les discours politiques et sur les chaînes d’information en continu. Parée de toutes les vertus, elle relèverait d’un savant mélange de coercition et de bon sens. Une vision que devraient s’empresser de faire leur des travailleurs sociaux et médico-sociaux toujours suspectés de laxisme vis-à-vis des publics dont ils ont la charge, particulièrement les plus jeunes et les plus pauvres. Mais à y regarder de plus près, c’est la définition même du concept qui a profondément évolué depuis la fin des années 1960 jusqu’à nos jours. Pour l’ensemble des spécialistes questionnés dans ce dossier, il a souvent été confondu avec celui de « pouvoir » » ou de « domination ». Ils défendent a contrario une vision bienveillante, un cadre évolutif et adapté permettant d’influencer sans contrainte, de rassurer, d’autonomiser (page 8). Le nécessaire dialogue n’est évidemment pas synonyme de faiblesse. Si la contrainte est parfois inévitable, en particulier dans les cas où les personnes accompagnées deviennent un danger pour elles-mêmes, elle demeure le plus souvent évitable à force de dialogue, d’écoute et de patience.
La diversité des établissements, des services et des pratiques interdit toute généralisation quant à son usage. La rencontre est un moment déterminant comme le détaillent plusieurs témoins, tous acteurs de terrain. Chacun(e) souligne l’importance d’instaurer une confiance mutuelle (page 12). Jean-Paul Gaillard, thérapeute systémicien, ne dit pas autre chose lorsqu’il affirme que l’exercice de cette contrainte n’est plus fondé sur l’idée de « Je te menace » mais bien sur celle de « Je te protège ». Il souligne aussi que la verticalité de l’autorité se substitue progressivement à une horizontalité égalitariste, mais dans laquelle tout le monde n’est pas à même d’exercer la même fonction protectrice (page 10).
C’est particulièrement vrai pour les professionnels au contact des enfants et des adolescents. Dans le podcast SMS de cette semaine (à retrouver sur votre plateforme d’écoute préférée ou sur notre site web), Stéphanie Lehoux, éducatrice spécialisée et coordinatrice d’une équipe ressources au sein de l’association Jeunesse et avenir, en Loire-Atlantique, assure que c’est à l’autorité de s’adapter au contexte et à la singularité de chaque enfant.
Ces nécessaires ajustements permettent l’acquisition de l’autonomie, mais aussi de nouer des relations avec autrui.