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Arrêt prolongé

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Il y avait la douleur, la fatigue et les heures qui s’enchaînaient. Il y avait ces meubles à déplacer, ces courses à porter et ces congés qui n’arrivaient pas. Il y a eu ce médecin, mes larmes, et ce papier. Arrêt de travail : une semaine. J’ai eu peur. Pour le planning et les collègues. Pour la prime envolée et les reproches à peine masqués. Mais j’avais tellement mal, et j’étais tellement fatiguée.

Les premiers jours, j’étais comme un zombie. Journées rythmées par l’école du petit et les médocs, une gélule matin, midi et soir, ne pas oublier le comprimé au milieu du repas et le petit cacheton du soir. Rituel apaisant, j’y ai cru, toutes ces substances allaient forcément me guérir, plus de douleur, plus de fatigue, si ça passe pas en une semaine ça passera en sept jours, il suffit de s’en persuader.

Les jours ont passé. J’ai remplacé les gestes professionnels, douloureux, par les gestes domestiques. Douloureux. Bouger, ça fait mal. Porter, ça fait mal. S’habiller, ça fait mal. Dormir, ça fait mal. A en pleurer, à en vomir. D’autres jours ont passé. J’ai augmenté les doses. Une gélule, ou deux, ou trois, je ne comptais même plus, de toute façon ça ne marchait pas. Cette douleur permanente, lancinante, cette douleur qui se diffuse insidieusement, l’épaule, le bras, la main.

Arrêt prolongé, en toute logique. Du repos, du repos, du repos, me dit le gentil médecin. Du repos, j’aimerais bien, mais qui va s’occuper de mon petit bonhomme, qui va faire les courses, la cuisine, le ménage, la lessive ? Je suis seule, pour me reposer et ne rien faire. Je suis seule tout le temps.Un arrêt, puis un autre, et encore un autre. Un médecin par-ci, un kiné par-là, ça progresse et ça régresse, liesse et détresse.

Arrêt prolongé. J’ai mal et j’ai peur. Et si ça ne passe pas, comment vais-je faire pour le travail, le petit, la maison ? Et si je perds mon travail ? Et si…

Le travail ? Silence radio. Juste quelques échanges de mails, avec toujours le même objet : « arrêt prolongé », et toujours la même réponse : « bien reçu ». C’est l’été, le planning est archi-blindé, Mme Grandchef n’a pas de temps à perdre avec les formules de politesse.

J’ai mal, j’ai peur et j’en perds l’appétit. « Je vais vous prescrire un traitement pour votre syndrome dépressif », me dit le gentil médecin. Et forcément, arrêt prolongé. Je suis hors du temps, hors de tout. Les jours se suivent et se ressemblent, repos, repos, kiné, repos, repos, kiné… Grandes vacances, le petit s’ennuie et je maigris, il tourne en rond et je me morfonds.

« Je suis prête à reprendre. » « Je n’ai presque plus mal. » « Je me sens beaucoup mieux. » « Je mange bien, et quand l’appétit va… » J’ai préparé plein de phrases positives pour le médecin, sourire plaqué sous le masque, je donne le change, ça marche, reprise autorisée.

Retour au boulot. Il y a la douleur, la fatigue et les heures qui s’enchaînent. Il y a ces meubles à déplacer, ces courses à porter et ces congés qui n’arrivent pas.

La minute de Flo

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