Chapeaux de cowboy vissés sur la tête, brandissant et claquant de longues rênes à la manière d’un fouet vers des migrants haïtiens terrifiés. Les images de gardes à cheval venues du Texas ont fait le tour du monde et choqué les opinions publiques. « C’est scandaleux », a même concédé le président étatsunien Joe Biden : « C’est plus qu’embarrassant. C’est dangereux. C’est mal. Cela envoie le mauvais message au monde, le mauvais message chez nous. Ce n’est pas ce que nous sommes », a-t-il ajouté, lui qui avait promis de traiter avec humanité les questions d’immigration, au contraire de son prédécesseur Donald Trump, dont le mandat avait été terni par d’autres images, celles d’enfants migrants enfermés dans des cages et séparés de leurs parents.
Le monde entier a pourtant compris le message. Des dizaines de milliers de réfugiés, pour la plupart haïtiens, se massent à la frontière entre le Mexique et le Texas. Leur nombre a considérablement augmenté ces dernières semaines, conséquence directe du séisme qui a ravagé l’île caribéenne le 14 août dernier. Alors que le gouvernement américain, inflexible, a promis d’accélérer le rythme des renvois de migrants par charters, le chef démocrate du Sénat, Chuck Schumer, proche de Joe Biden, a exhorté ce dernier à mettre fin immédiatement aux expulsions « ignobles » vers un pays instable et gangréné par la violence. « Une telle décision va à l’encontre du sens commun » et de la « décence », a-t-il tonné dans l’hémicycle.
L’ONU a de son côté exprimé sa « profonde inquiétude » face à ces expulsions qui ne s’embarrassent guère de l’examen de la situation des réfugiés. « Il y a d’autres moyens de gérer la santé publique (…) et en même temps de garantir le droit à demander l’asile », a déclaré Shabia Mantoo, porte-parole du Haut-Commissariat des Nations unies pour les réfugiés (HCR), en référence à une règle sanitaire adoptée au début de la pandémie pour limiter la propagation du virus, et derrière laquelle l’administration Biden s’est abritée pour justifier la brutalité et la rapidité des expulsions.
La politique étatsunienne prend en l’espèce des allures schizophréniques. En même temps que se remplissaient les avions renvoyant chez eux les Haïtiens, Washington annonçait le doublement du nombre de réfugiés à accueillir pour 2022 – soit 125 000 – afin de « répondre aux besoins générés par les crises humanitaires dans le monde ». Une décision saluée, là aussi de manière schizophrénique, par la même Shabia Mantoo et le HCR, pour qui le geste envoie « un signal clair au monde sur l’importance pour tous les pays de faire leur part et de travailler ensemble pour partager la responsabilité de répondre aux besoins des réfugiés par des actions concrètes, fortes et compatissantes » (sic).
Reste que ce plan doit encore être approuvé par le Congrès et signé par le président des Etats-Unis. L’annonce de Joe Biden pourrait ressembler à d’autres, restées lettre morte. Ulcéré par le comportement nord-américain, le président mexicain López Obrador ne s’est ainsi pas privé de rappeler les promesses trahies de Washington de s’attaquer aux racines du phénomène en procédant à des investissements sociaux. Les Etats-Unis « se sont engagés à investir 4 milliards [de dollars, ndlr] : 2 milliards pour l’Amérique centrale et 2 milliards pour le Mexique. Rien n’est arrivé, rien », a ajouté le leader de gauche arrivé au pouvoir en 2018.
Après la séquence désastreuse de Donald Trump, le Mexique n’entend pas pour autant rompre avec l’administration Biden, et López Obrador souligne même une « atmosphère favorable » à la Maison-Blanche : « Il existe d’excellentes conditions pour signer un bon accord pour le développement de l’Amérique latine et des Caraïbes, et en particulier des pays d’Amérique centrale. Donc nous allons attendre et je crois qu’il y aura des résultats. »