Si l’exécutif communique sur les mesures du projet de loi de financement de la sécurité sociale (PLFSS) pour 2022 depuis plusieurs semaines déjà, le texte n’a été publié que jeudi 6 octobre, au moment de son dépôt à l’Assemblée nationale. Les députés ont commencé son examen dès ce lundi 11 octobre.
Le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2022 fixe l’objectif national de dépenses de l’assurance maladie (Ondam) à 236,3 milliards (Mds) d’euros, dont 14,3 Mds d’euros de dépenses pour les établissements et services pour personnes âgées et 13,3 Mds d’euros de dépenses pour les établissements et services pour personnes handicapées.
Les objectifs de dépenses par branche sont les suivants :
• vieillesse : 256,6 Mds ;
• maladie : 229,6 Mds ;
• famille : 49,7 Mds ;
• autonomie : 34,2 Mds ;
• accidents du travail-maladies professionnelles : 14,1 Mds.
Après l’ouverture des vannes des dépenses en 2020, l’objectif premier des pouvoirs publics est de revenir à l’équilibre financier du régime général de la sécurité sociale et du fonds de solidarité vieillesse. Cette année-là, le déficit s’était établi à 38,7 milliards d’euros. En cause : la crise sanitaire mais aussi les premières revalorisations du Ségur de la santé.
En 2022, le déficit devrait atteindre 21,6 Mds d’euros. Une baisse importante causée non pas par une réduction des dépenses (+ 0,8 % sur an) mais en raison d’une amélioration des recettes, avec le rebond de la masse salariale du sectuer privé, entraînant ainsi une hausse des cotisations sociales et de la CSG (+ 5,0 %).
Après l’abandon remarqué et regretté de ce qui devait être la loi « grand âge et autonomie », l’exécutif cherche à rassurer les professionnels concernés et notamment ceux des services à domicile. Dans l’article 30 du PLFSS pour 2022, le gouvernement prévoit en effet un « soutien massif ».
L’article 30 PLFSS pour 2022 prévoit la création d’un tarif plancher pour la tarification des services d’aide et d’accompagnement à domicile (Saad) prestataires par les départements, et ce dès le 1er janvier 2022. Son montant ne sera pas fixé par la loi de financement de la sécurité sociale, mais par un arrêté. L’exécutif envisage de le porter à 22 € par heure. En l’état actuel du texte, ce tarif s’appliquera aux services solvabilisés par l’allocation personnalisée d’autonomie (APA) et la prestation de compensation du handicap (PCH). Il concernera également les services qui reçoivent des bénéficiaires de l’aide sociale, habilités ou non.
L’article 30 du PLFSS pour 2022 prévoit également une réforme de la tarification des services de soins infirmiers à domicile (Ssiad) : au 1er janvier 2023, la tarification tiendra compte du besoin en soins et du niveau de perte d’autonomie des usagers. Actuellement, il s’agit d’une tarification forfaitaire par place qui n’est pas modulée en fonction des caractéristiques des usagers.
Le détail de cette réforme n’est cependant pas encore connu et doit faire l’objet de nouvelles discussions entre l’administration et les fédérations. Le modèle sera défini par décret, dont la publication est promise « au cours de l’année 2022 ». Les discussions aboutiront-elles avant ou après l’élection présidentielle ? Rien n’est moins sûr.
L’article 30 du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2022 prévoit de fusionner progressivement l’ensemble des catégories existantes de services à domicile pour une entrée en vigueur des « services autonomie » au 30 juin 2023. Les services d’aide et d’accompagnement à domicile pourront continuer à ne proposer que des prestations d’aide, mais à condition de pouvoir répondre aux éventuels besoins en soins des personnes qu’ils accompagnent, par exemple par voie de convention.
Le PLFSS pour 2022 prévoit également une mesure pour les bénéficiaires des services à la personne (SAP). L’article 11 du texte, particulièrement technique, prévoit de généraliser le dispositif permettant d’annuler le décalage entre la prestation et les aides allouées. Cette expérimentation est mise en œuvre depuis septembre 2020 à Paris et dans le département du Nord.
Le gouvernement donne un peu au secteur du domicile, mais il n’en oublie pas moins les établissements dans le chapitre consacré au « renforcement de la politique de soutien à la perte d’autonomie ».
L’article 29 du PLFSS pour 2022 prévoit les dispositions législatives rétroactives qui permettent la mise en œuvre de l’extension du complément de traitement indiciaire (CTI) pour plusieurs catégories d’agents. Cette revalorisation salariale est prévue depuis la signature, le 11 février et le 28 mai 2021, de trois accords à l’issue de la mission conduite par Michel Laforcade. L’augmentation à terme est comprise entre 230 € et 240 € brut par mois tous secteurs confondus.
Les personnels concernés par l’extension du CTI au 1er juin 2021 sont les agents publics titulaires et contractuels de la fonction publique hospitalière (FPH) qui exercent au sein des établissements et services sociaux et médico-sociaux (ESSMS) rattachés aux établissements publics de santé ou aux établissements d’hébergement pour personnes âgées dépendantes (Ehpad).
Enfin, les personnels concernés par l’extension du complément de traitement indiciaire au 1er octobre 2021 sont les agents publics titulaires et contractuels de la fonction publique qui exercent au sein des établissements médico-sociaux financés par l’Ondam (objectif national de dépenses de l’assurance maladie) en tant que personnel soignant, aide médico-psychologique (AMP), auxiliaire de vie sociale (AVS) ou accompagnant éducatif et social (AES).
L’article 31 du PLFSS dote les établissements d’hébergement pour personnes âgées dépendantes d’une nouvelle mission de « centre de ressources territorial ». Ils devront ainsi proposer une fonction d’appui, d’expertise et de soutien au territoire en lien avec les autres acteurs de la gérontologie. Seuls les établissements volontaires devront assurer cette nouvelle mission qui se déroulera aussi bien dans les murs qu’en dehors. D’ailleurs, deux agences régionales de santé (ARS), Nouvelle-Aquitaine et Occitanie, ont d’ores et déjà expérimenté ce dispositif.
Cet article 31 prévoit également de généraliser les dispositifs d’appui renforcé au domicile (Drad), avec la création de 350 places par an en moyenne. L’enveloppe prévue pour cette généralisation est de 4 millions d’euros par an jusqu’en 2023. En 2025, elle atteindra 13 millions d’euros.
Alors que la Cour des comptes vient de critiquer l’inachèvement de la réforme du financement de la psychiatrie et des soins de suite et de réadaptation (SSR), le PLFSS prévoit justement de nouvelles mesures à ce sujet. Il vise en particulier à tenir compte de l’impact de la crise sanitaire sur la préparation de cette réforme.
L’article 25 du texte prévoit ainsi une entrée en vigueur de la réforme du ticket modérateur en psychiatrie et en SSR au 1er janvier 2022. Ces deux activités vont d’ailleurs se voir appliquer un coefficient de transition afin d’éviter trop d’effets négatifs sur le niveau de recette des établissements concernés. Cette période est étendue sur 4 ans, soit du 1er janvier 2022 au 31 décembre 2025, comme c’est le cas sur le champ médecine-chirurgie-obstétrique.
Le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2022 comprend également son lot de mesures à la frontière entre la santé et le social.
L’article 44 du PLFSS acte la prise en charge intégrale, avec tiers payant, des frais de contraception pour les jeunes femmes jusqu’à 25 ans, une mesure annoncée par le ministre des Solidarités et de la Santé le 9 septembre dernier. Objectif : gommer l’effet de seuil créé par l’extension de la prise en charge de ces mêmes frais pour les mineurs, intervenue le 1er janvier 2020.
Dans le détail, la prise en charge couvrira, en l’état actuel du texte : une consultation par an en vue d’une prescription de la contraception ou d’examens biologiques en lien avec cette contraception, une consultation de suivi lors de la première année d’accès à la contraception, les examens biologiques annuels nécessaires à la contraception, les actes liés à la pose, au changement ou au retrait d’un contraceptif, la délivrance des contraceptifs remboursables sur prescription et la contraception d’urgence hormonale, dite « pilule du lendemain ».
L’article 43 du PLFSS prolonge jusqu’à fin 2025 l’expérimentation des salles de consommation de drogues à moindre risque, tout en changeant leur nom en « haltes “soins addictions” ». Elles sont mises en œuvre depuis octobre 2016 à Paris puis à Strasbourg et les résultats ont été particulièrement positifs. Le texte comprend également un enrichissement de cette expérimentation. Objectif : évaluer notamment l’intérêt d’une intégration de ces espaces à l’intérieur des centres d’accueil et d’accompagnement à la réduction des risques des usagers de drogues (Caarud), ainsi que l’intérêt et le fonctionnement d’espaces mobiles. L’exécutif vise deux ouvertures nouvelles par an entre 2022 et 2025.
Enfin, l’article 42 généralise deux expérimentations. La première, « Mission : retrouve ton cap » (MRTC), qui permet aux enfants de 3 à 12 ans présentant des facteurs de risque d’obésité, ou qui sont en situation de surpoids, de bénéficier d’un parcours de prise en charge pluridisciplinaire adapté. La seconde, « Au labo sans ordo », permet un accès direct au dépistage du VIH dans les laboratoires de ville, sans ordonnance.
L’article 49 du PLFSS généralise le recours à l’intermédiation financière des pensions alimentaires. Créée en 2020, ce service public confie à une agence le soin de verser ces pensions au parent créancier et de poursuivre les mauvais payeurs. Concrètement, le mécanisme d’intermédiation deviendrait de droit et automatique. Les parents devront s’entendre et faire une demande expresse pour renoncer à ce mécanisme. Cela s’appliquerait au 1er mars 2022 pour les décisions judiciaires de divorce et à toutes les autres décisions et homologations judiciaires en 2023.
L’article 32 du PLFSS crée un système d’information national pour la gestion de l’allocation personnalisée d’autonomie (APA). Aujourd’hui, l’APA est gérée par les départements, ce qui pour l’Etat présente beaucoup d’inconvénients. En particulier, « la coexistence de systèmes d’informations conduit à des évolutions légales et réglementaires hétérogènes sur le territoire », note l’exécutif dans son étude d’impact. C’est la Caisse nationale de solidarité pour l’autonomie (CNSA) qui se verra confier la mission de créer ce système d’information.
La complémentaire santé solidaire (C2S) sera aussi améliorée. L’article 45 du PLFSS pour 2022 prévoit notamment une attribution automatique pour les bénéficiaires du revenu de solidarité active (RSA), l’instauration d’une présomption de droit à la C2S pour les bénéficiaires de l’allocation de solidarité aux personnes âgées (Aspa) et enfin la création d’un droit à l’interruption de la C2S en cours sans frais ni pénalité.
L’article 28 du PLFSS prévoit une intervention systématique du juge des libertés et de la détention (JLD) en cas de maintien d’une mesure d’isolement ou de contention au-delà d’une certaine durée. Pour rappel, c’est le juge constitutionnel qui, en juin dernier, a exigé cet ajustement législatif, estimant insuffisante la précédente tentative du Parlement.
Le PLFSS pour 2022 prévoit que, au-delà de 48 heures pour une mesure d’isolement et de 24 heures pour une mesure de contention, le directeur de l’établissement doit en informer sans délai le JLD. Le juge pourra alors se saisir d’office pour mettre fin à ces mesures.
Dans le cas où le médecin veut poursuivre une mesure d’isolement au-delà de 96 heures ou une mesure de contention au-delà de 72 heures, il doit en faire la demande expresse au JLD avant l’expiration de ces délais. Le juge vérifie alors si les conditions normales d’isolement ou de contention sont réunies avant leur prolongation.
L’exécutif avait envisagé de fixer des limites strictes à l’isolement ou à la contention, sans possibilité de maintien au-delà. Cette option n’a cependant pas été retenue car « elle est apparue incompatible avec la situation médicale de certains patients ».