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La salle d’attente

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Après l’entretien avec l’infirmière, retour en salle d’attente, avant mon entretien avec le gradé. En réalité, une cellule transformée en espace de retenue. Elle permet de patienter entre deux rendez-vous au quartier des arrivants. Elle est réservée aux détenus. Sur le sol crasseux, des crachats, des traces de départs de feu confectionnés avec des briques et, sur les murs, des graffitis qui se superposent. Les déchiffrer n’a pas été chose aisée :

– « Grosse plaque tournante pte d’Auber et la vilette mon ga » ;

– « Miloul Guadeloupe 97130 » ;

– « Soucré 77350 » ;

– « Chez tatti ta tout » ;

– « Rafale dans ta mère on va parler au facteur » ;

– « Nike la juge, en taule, j’achète mon 3e apparte » ;

– « 94 Crétail Mont Mest ke de la bleu en pagaille tu sera pas dessus » ;

– « Vive egypte et vive la franse aussi mdr » ;

– « Les SS on va vous la metre » ;

– « Vous etes conten frère mais ne criée pas victoir ».

Les deux autres détenus qui occupent la « salle d’attente » semblent ailleurs. L’un d’eux fume une roulée à la fenêtre. Les coudes appuyés sur les barreaux, il regarde l’horizon, songeur. L’autre tourne en rond, marche sans but en traînant des pieds. Celui qui fume ne parle pas français. Ni anglais non plus, d’ailleurs. J’entreprends alors le marcheur. En espérant que débuter une conversation fasse cesser ses pas lourds au bruit exécrable, je me lance dans un semblant de dialogue.

Raphaël, c’est son nom, est jeune. 19 ans seulement. « Je suis allé récupérer une personne à Orly qui venait de Guyane. Et quand je lui ai demandé son prénom, les flics m’ont serré direct. Le type en question avait 18 kilos de cocaïne. Moi, j’suis pas un criminel, je ne veux pas être en prison, c’est pas pour moi. » Alors qu’il pleure, ses mots résonnent en moi, l’écho s’amplifiant : « C’est pas pour moi. »

Comme pour me soulager, j’ai posé mes coudes sur mes genoux, ma tête entre mes mains pendant que Raphaël reprend sa ronde et que notre troisième acolyte, le regard toujours tourné vers l’horizon, marmonne des mots dans sa langue natale.

Une saison à l’ombre

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