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Financement des associations : l’hybridation des ressources contraint à revoir sa communication

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Crédit photo BURGER / Phanie via AFP
Financement - Appels aux dons, legs, mécénat… En quête de nouvelles ressources financières, les associations du secteur médico-social repensent leur stratégie et leur organisation. Sans perdre de vue leur message social.

« La levée de fonds constitue un enjeu majeur dans le secteur associatif », écrivait en 2020 la Cnape, fédération de protection de l’enfant, en introduction d’un rapport dédié à l’hybridation des ressources associatives. Touchée par la baisse des subventions publiques, la protection de l’enfance, comme l’ensemble du secteur médico-social, se tourne de plus en plus vers de nouveaux canaux de financement, donnant naissance à de profondes transformations au sein même des organisations. Et d’abord en matière de communication. « Le médico-social est en fort développement de ce point de vue », constate David Ajasse, directeur d’Alteriade, une agence de conseil basée à Lyon et spécialisée dans la collecte de fonds et la communication, qui voit les équipes du secteur peu à peu s’étoffer. « Cela se professionnalise, les budgets sont plus importants, à la fois en termes de ressources humaines et de moyens. »

Pourtant, il n’existe pas de recette préétablie pour les structures. Selon le président du syndicat professionnel France Générosités, Pierre Siquier : « Aucun schéma n’est copiable. Chaque association a sa propre organisation. » Même si, d’après lui, collecte et communication vont de pair et sont même « indissociables ». Un constat partagé par David Ajasse, dont l’agence, organisée en Scop, accompagne principalement des petites et moyennes associations. « Lorsque les organisations grandissent, elles ont un peu trop tendance à les dissocier. On arrive parfois à des situations presque conflictuelles. En termes de positionnement de message, cela peut manquer de cohérence », déplore-t-il.

Fortes de ce constat, certaines organisations associent les deux pratiques. A l’instar de l’association Actions et ressources pour l’inclusion sociale par le soin et l’éducation (Arisse), qui gère en Ile-de-France une quarantaine d’établissements autour de l’accompagnement d’enfants souffrant de dysfonctionnements intellectuels ou psychiques. L’Arisse a recruté voilà plus d’un an une responsable de la communication, Anne Delobel, chargée également du « fundraising » (collecte de fonds). Ce qui lui permet « de rester au plus proche de la réalité des projets ».

Cette démarche s’inscrit surtout dans l’objectif d’accompagner les nouvelles initiatives et non de financer des frais de fonctionnement. « Nous avons mis en place notre stratégie avec la volonté très forte qu’elle vienne financer des projets d’innovation », assure-t-elle. Selon David Ajasse, il s’agit là bien souvent de l’une des spécificités des levées de fonds du médico-social : « Les établissements ont un pouvoir légitime pour appeler à des financements privés afin de réaliser “mieux et plus”, de porter des projets apportant un confort supplémentaire à leurs bénéficiaires, des innovations non prises en charge par la puissance publique. »

Mécénat et digital

Anne Delobel a ainsi choisi de se mobiliser tout particulièrement sur le mécénat d’entreprise et les appels à projets. L’Arisse bénéficie aujourd’hui du soutien de la Fondation de France, de l’opération « Pièces jaunes » de la Fondation des hôpitaux, des entreprises Decathlon, Truffaut… Pour la communicante, cela permet de « créer des relations sur le territoire » mais aussi « d’accroître la notoriété de l’association » grâce à des actions de communication et de sensibilisation. « Notre volonté à travers le mécénat est de communiquer hors de nos murs et de mettre en lumière tous les projets portés par nos établissements, pour, d’une certaine manière, faire parler les enfants que nous accompagnons », insiste-t-elle. Tout en s’appuyant sur l’ensemble du personnel. « Mon but est d’être en lien avec tous les salariés, à tous les niveaux. Un projet de mécénat peut provenir d’une secrétaire médicale qui a noté un besoin et travaillé sur le projet avec des éducateurs, des psychologues. A mon poste, le côté transverse est fondamental », assure Anne Delobel.

Autre grande piste de développement pour les organismes : Internet. Mais, comme pour le mécénat, le « crowdfunding » (financement participatif) demande bien souvent aux établissements médico-sociaux de présenter de nouveaux projets afin de susciter l’intérêt des donateurs. Et plusieurs obstacles viennent s’ajouter, rendant souvent complexes de telles initiatives. En premier lieu, le manque de notoriété pour un certain nombre d’entre eux. « On ne peut pas commencer à demander de l’argent, si on n’est pas connu. Cela va coûter cher pour un piètre résultat. Nous allons souvent avancer de manière complémentaire en nous tournant d’abord vers le mécénat pour amorcer la démarche d’innovation et ensuite progressivement explorer d’autres canaux », souligne David Ajasse.

A La Mie de Pain, qui accompagne des personnes en situation de précarité, une personne avait été recrutée autour des questions de mécénat trois ans auparavant. Désormais, le digital compte parmi les principaux enjeux de développement. L’association cherche en priorité à améliorer sa visibilité via son référencement naturel (ou SEO), mais aussi à renforcer ses collectes sur Internet, en s’appuyant sur son actualité. « Le canal digital a différentes vertus : moins de frais de collecte et un ciblage de populations plus jeunes, indique Charles de Fréminville, bénévole et trésorier. Il est intéressant de pouvoir renouveler notre base de donateurs avec des gens qui, on l’espère, investiront à long terme dans notre association. Mais il convient de trouver l’équilibre entre les investissements pour demain, et l’exigence des coûts. C’est complexe. »

Les collectes en ligne ont explosé pendant la crise sanitaire. Cependant, pour le président de France Générosités, les associations doivent s’emparer davantage de cet outil, même si les plus grandes organisations se structurent progressivement. « Aujourd’hui, les spécialistes du marketing direct sont rejoints par des experts Internet et d’autres réseaux sociaux. C’est une professionnalisation par canal qui est en train de se produire », déclare-t-il. Tout en ajoutant : « Les associations vont devoir recruter des personnes de plus en plus compétentes. Ce qui n’est pas toujours faciles, en particulier pour les petites structures. »

Risque du « story telling »

Dans un tel contexte de développement des modes de communication, toutes les personnes interrogées sont particulièrement sensibilisées au besoin de partager les bons messages pour solliciter l’aide du grand public. Principal risque : le « storytelling » (mise en récit), en allant « au-delà de la réalité ». « Bien évidemment, pour collecter de l’argent auprès des particuliers, nous devons donner envie, raconter une histoire. Mais dans une certaine limite », souligne Anne Delobel. Charles de Fréminville, renchérit : « Nous essayons d’avoir une éthique dans la façon dont nous communiquons. Il pourrait être facile de tomber dans le misérabilisme. Nous essayons de nous en éloigner au maximum. »

Et, pour Pierre Siquier, il s’agit en outre de ne pas perdre de vue l’identité propre de son association : « Chacun doit développer sa personnalité. Le plus gros risque est de se tromper sur son message, sur sa mission sociale. Les gens sont sensibles à la cause. Il n’y a pas que la com’ qui compte. La cause est là intrinsèquement, il faut bien l’expliquer. »

Les canaux de la générosité en chiffres

L’Observatoire de la philanthropie – Fondation de France a publié fin septembre sa nouvelle édition du « Panorama national des générosités », dont l’objectif consiste à mesurer les différentes formes de générosité en France. Premier constat, elles « sont de plus en plus diverses, la générosité se montre de plus en plus créative et touche de nouveaux donateurs », indique la directrice de la Fondation de France, Axelle Davezac. Et les activités du secteur social, médico-social et de la santé restent les principaux bénéficiaires de ces dons, représentant 40 % d’entres eux. L’étude relève que les quêtes traditionnelles restent toujours prédominantes – envois de plis, collectes de rue, événements… –, mais certaines formes de dons affichent en parallèle une progression continue depuis 2007, à l’instar des libéralités (legs, donations et assurances vie). De nouvelles formes d’engagement se développent par ailleurs, telles le « crowdfunding » et la générosité embarquée (micro-dons en caisse ou de son salaire). Enfin, d’après ce rapport, le mécénat d’entreprise tire tout particulièrement son épingle du jeu, en croissance de 119 % en dix ans. Le nombre d’entreprises mécènes a été multiplié par quatre entre 2010 et 2019 avec de plus en plus de petites et moyennes entreprises qui se mobilisent.

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