Il y a d’abord les chiffres. Ceux que l’on connaît : 2,2 millions de personnes attendaient un logement social à la fin 2020. Mais aussi ceux, tout aussi dramatiques, que l’on ignore, faute de diagnostic récent : le nombre des hommes et des femmes vivant à la rue ou en hébergement d’urgence. Viennent ensuite les constats partagés par les acteurs du secteur sur l’explication de ces phénomènes. A commencer par un trop petit nombre de logements sociaux disponibles, et trop souvent inadaptés aux moyens des populations de plus en plus précaires qui en ont besoin (page 10). Car si à aucun moment les logements sociaux n’ont accueilli un public homogène, comme en témoigne l’historienne Gwenaëlle Legoullon (page 12), il n’en demeure pas moins que les demandeurs se paupérisent. Résultat : les centres d’hébergement d’urgence restent engorgés, faute de proposer des portes de sortie aux personnes accueillies, même quand celles-ci pourraient accéder au logement (page 8). Un phénomène renforcé par le manque de places dédiées aux demandeurs d’asile (page 13). Ce mal-logement contraint à gérer des situations d’urgence, et prive les personnes de l’accompagnement adapté à leur situation.
En finir avec l’urgence, voilà pourtant l’objectif revendiqué par Emmanuelle Wargon, ministre déléguée au logement, qui annonce une loi de programmation pluriannuelle qui permettrait de pérenniser les places d’hébergement ouvertes durant la crise sanitaire. Une bonne nouvelle pour les associations, qui affichent tout de même des réserves, en particulier sur l’effectivité concrète de tels engagements, surtout en fin de mandat électoral. Aborder la seule question de l’hébergement dénote une vision court-termiste : c’est tout l’écosystème qu’il conviendrait de retravailler, selon une opinion largement partagée. Car la solution à l’hébergement, c’est le logement, et pas l’augmentation infinie du nombre de places d’accueil d’urgence. A ne pas se saisir de cette problématique, l’Etat joue le rôle de « pompier pyromane », selon les termes de Michel Platzer, en charge des questions de logement pour ATD quart monde, pour qui l’étanchéité entre les mondes de l’hébergement et du logement s’aggrave.
Enfin, sans travailler la question des revenus et des minima sociaux, explique Manuel Domergue, directeur des études de la Fondation Abbé-Pierre dans notre podcast SMS de la semaine, la question de l’accès au logement ne se résoudra jamais complètement.