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L’infirmière

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Nous étions trois à être affectés au D2. A Fleury, il existe six édifices avec chacun une particularité. Le D2 abrite les détentions provisoires. Le Renault Master qui nous avait récupérés après la première nuit au bâtiment central des « primo-arrivants » s’était positionné en marche arrière. Il s’agissait avant tout de limiter les mouvements des détenus que nous étions depuis la veille devenus.

Placés dans une cellule d’attente, entassés à plusieurs, nous avons été contraints d’attendre que se tiennent, un à un, les entretiens spécifiques dédiés aux néo-prisonniers.

Le premier, le plus important à mes yeux, a été mené par l’infirmière. Une forte femme dont la blouse étriquée semblait la gêner dans ses mouvements. Véronique. Son prénom était lisible sur la poche extérieure de sa blouse. « Alors, pourquoi vous êtes là ? », a-t-elle commencé d’emblée. « Pour pas grand-chose. » Ses yeux bienveillants contrastaient avec la froide indifférence de sa collègue chargée des radios des poumons que nous avions passées le matin même. Le but de cet entretien consiste à dresser un bilan de santé, à connaître les antécédents médicaux, d’éventuelles addictions mais surtout à évaluer un possible passage à l’acte. Le risque d’automutilation ou de suicide est effectivement accru à l’occasion d’une incarcération, d’une mauvaise nouvelle ou d’une libération. En 2020, parmi les 47 membres du Conseil de l’Europe, la France était le deuxième pays, derrière la Russie, où l’on se supprime le plus.

Au cours d’une conversation de quinze minutes consacrée à la prévention du suicide, l’infirmière me fit prendre conscience que j’étais désormais, et pleinement, immergé dans le « grand bain » de la détention. « J’aime trop la vie », lui ai-je répondu un peu gauchement, en tentant de la rassurer. Elle a noté mes propos sur une feuille préimprimée qui comportait des cases à cocher. Mon absence d’addiction, loin du profil type de l’arrivant, l’a surprise. Elle me proposait un test sérologique, à effectuer plus tard. J’ai accepté. Au moment de nous séparer, nous avons échangé une poignée de main. Le contact de sa paume avec la mienne m’a donné envie de rester avec elle, de devenir son ami. Loin de la noirceur qui, patiemment, m’attendait.

Une saison à l’ombre

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