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Vaccination des soignants : des refus aux motivations multiples

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Craintes pour leur santé, manque de communication avec leur hiérarchie, perte de confiance et de repères, parfois aussi acte militant… Les motifs du rejet de l’obligation vaccinale s’accumulent chez les professionnels qui ont choisi de ne pas s’y soumettre. Au prix, souvent, de réelles difficultés et d’un avenir de plus en plus incertain.

« Pas envie d’être un cobaye ! » L’expression revient à Justine(1), aide-soignante de nuit en résidence services seniors dans le Nord. Mais nombre de soignants avancent des craintes identiques pour leur santé pour justifier leur refus de se plier à l’obligation vaccinale. Quitte à se mettre en difficulté. Le contrat de Justine a été suspendu le 20 septembre, au terme de ses congés payés. Un cas unique dans son service, qui compte six salariés. « Mon collègue a cédé quelques jours avant l’entrée en vigueur de l’obligation vaccinale. Il vient donc de recevoir sa première dose. »

Mauvaise communication

En plus de se montrer inquiète pour sa santé, Justine déplore un manque de communication et d’informations de la part de sa hiérarchie. « Nous avons reçu une simple note de service indiquant les mesures prises en cas de non-vaccination au 15 septembre. C’est tout. Nous n’avons pas eu de réunion ou d’échange individuel à ce sujet. » Non rémunérée pendant la suspension de son contrat, Justine va donc vivre de ses économies. Pour autant, elle ne compte pas démissionner. « Je sais que les prochaines semaines vont être dures. Mon compagnon travaille, donc nous allons essayer de tenir. Il me reste encore une quinzaine de jours de congés à poser si vraiment je sens que cela coince. Cela permettra de voir venir un peu. » D’autant qu’elle ignore ce qui va se passer pour elle après le 15 octobre. « Je n’y ai pas réfléchi, confie-t-elle. J’envisage de demander une année sabbatique et d’aller travailler ailleurs en contrat à durée déterminée. »

Comme Justine, Corinne, 62 ans, affiche en premier lieu des croyances médicinales pour refuser la vaccination. Secrétaire dans un service de médiation familiale et d’espace de rencontres d’une association de protection de l’enfance, elle est soumise à l’obligation vaccinale puisqu’elle travaille dans les mêmes locaux que des psychologues qui y sont eux-mêmes contraints. Elle se soigne depuis toujours à base de plantes et d’homéopathie : « Je n’utilise pas d’autres substances, je n’ai pas envie de changer ma méthode de soin et je crains une réaction à la vaccination. Je crois en ma façon de me soigner et je n’ai pas envie qu’on m’administre ce vaccin sur lequel on n’a pas de recul. »

A ces motifs personnels est venu s’en ajouter un autre : « Je trouve l’obligation infantilisante et arbitraire. Pourquoi certains salariés y sont-ils soumis et d’autres non ? Et je n’ai plus confiance, le discours officiel change sans arrêt depuis le début de la pandémie. » Un refus qui plonge aujourd’hui Corinne dans une situation difficile : « Je ne dors plus la nuit, je me demande ce qui va se passer après le 15 octobre, comment je vais vivre. J’apprécie beaucoup l’équipe dans laquelle je travaille, j’ai créé mes outils, développé mon poste et j’aime mon métier. Tellement que je souhaitais continuer jusqu’à 65 ans. Je me demande si je vais partir plus tôt à la retraite. Une telle fin de carrière serait cruelle et violente. »

Perte de confiance

Emilie, 33 ans, se trouve quant à elle actuellement en congé maladie. Educatrice spécialisée en milieu ouvert depuis l’obtention de son diplôme en 2013, la jeune femme refuse elle aussi le vaccin pour des raisons liées à sa santé et à celle de ses proches, tout en affirmant son grand attachement à son métier. « Mon médecin de famille me déconseille la vaccination si j’ai un projet de grossesse, faute de recul sur le vaccin. Et j’ai été très marquée par la dégradation brutale puis le décès de ma grand-mère après sa première injection. Certes, elle avait 84 ans, était diabétique et résidait en Ehpad, mais je ne peux pas me sentir confiante. Je suis très en colère contre ce gouvernement. Pendant plus d’un an je n’ai pas pu lui rendre visite. »

Depuis le 11 septembre et une crise de spasmophilie due au stress, Emilie est en arrêt maladie : « Tout ça est très dur pour moi. Entre l’incompréhension de certains collègues, le risque d’être suspendue et l’incertitude sur mon avenir, la pression est grande. Cela remet tout en question. Vais-je pouvoir continuer à exercer ce métier, ma vocation ? »

Acte de protestation

Parfois, le refus de la vaccination s’apparente d’abord à un acte de protestation. Comme chez Marie-Louise, auxiliaire de vie dans le Nord, très en colère elle aussi : « L’ensemble de mes collègues a reçu un courrier recommandé concernant une note explicative pour le Covid. Je ne l’ai jamais reçu. J’ai donc pris rendez-vous avec mon avocat pour connaître la démarche à suivre. Il m’a recommandé de me rendre au travail le 15 septembre pour ne pas me mettre en porte à faux. » De repos le 15 septembre, Marie-Louise se présente au domicile de son premier usager le lendemain. « On m’avait déjà remplacée. »

Comme Justine, elle déplore le manque de discussions avec son employeur. « Il aurait pu me proposer un autre poste où la vaccination n’est pas obligatoire, comme le portage de repas. Mais rien n’a été mis en place. » Elle assume son choix et assure qu’elle ne démissionnera pas. Mais Marie-Louise enrage contre le gouvernement. « Je ne comprends pas la situation. La crise dure depuis dix-huit mois. Je me rends tous les jours au domicile de ces personnes vulnérables. Je porte un masque, des gants, une blouse. La moitié des personnes chez qui je vais ne sont pas vaccinées. Je n’ai jamais contracté la Covid. Et là, on m’oblige à me vacciner. J’ai l’impression d’être punie alors qu’il y a peu on nous applaudissait. »

Une situation d’autant plus difficile à vivre qu’elle remet en cause la méthode employée. A coups de bâton, estime-t-elle : « De quel droit nous prive-t-on de notre travail ? Quand on a dû être vaccinés contre l’hépatite B, un protocole avait été établi. Là, c’est : “Tu obéis ou tu ne travailles plus.” »

Même acte militant dans le refus de l’obligation vaccinale chez Serge. Moniteur-éducateur spécialisé dans un institut d’éducation sensorielle à Lyon, il est vacciné. Mais il a préféré être suspendu plutôt que travailler dans ces conditions. « J’estime que le gouvernement n’a pas à nous imposer cette vaccination. J’ai expliqué ma démarche à mon directeur, qui l’a entendue. Il m’a exposé tous les faits et m’a informé des tenants et des aboutissants de ma décision, les risques encourus. Mais il n’a pas cherché à me convaincre. Je suis donc suspendu sans solde. »

Serge reconnaît que sa prise de position singulière met quelque peu en difficulté ses collègues et les résidents, mais s’en explique : « Pour être au clair dans mon travail, j’ai besoin d’être au clair dans ma tête. Et comme je ne le suis pas avec cette obligation vaccinale, je ne vais pas travailler. Mon accompagnement auprès des jeunes n’aurait pas été optimal. Je suis vacciné mais j’estime que cela dépasse ma petite personne. Je pense que mon acte est citoyen. Si jamais personne ne bouge, les choses ne vont pas changer. » Le professionnel affirme que, « d’une certaine manière, c’est aussi pour les résidents » qu’il agit ainsi. « Après l’obligation vaccinale, ça sera autre chose. Il y aura de moins en moins de professionnels pour de plus en plus d’usagers. La réforme Séraphin-PH, par exemple, va bientôt être mise en œuvre. L’étude est en cours. Ils sont en train de calculer le coût d’un éducateur, ce qu’il est capable de faire, dans quel temps imparti, combien de résidents il peut avoir à sa charge. Bref, de rationaliser un travail qui ne doit pas l’être. Ce n’est pas le monde de l’entreprise. » Toutefois, le moniteur-éducateur finit par conclure : « Si la question d’un licenciement devait se poser, je réfléchirais à éventuellement reprendre le travail. Car c’est un métier que j’aime et je n’ai pas envie d’en changer. »

Notes

(1) Les prénoms ont été modifiés.

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