« On va devoir suspendre des contrats et recruter. Mais on aura beaucoup de mal à trouver du personnel. » Directrice d’Adomi’Serv, association d’aide à domicile située à Kourou (Guyane), Olguine Délices a dressé un constat : le 15 septembre, seulement trois professionnels sur 22 avaient reçu une première injection. « La majorité des salariés oppose un “non” catégorique. Ils préfèrent arrêter de travailler », constate la directrice qui, elle-même, se dit perplexe sur le vaccin et n’a, pour l’heure, pas reçu la moindre dose. Pas question donc d’inciter le personnel à respecter l’obligation vaccinale. « Je ne veux pas prendre parti. Mes salariés réfléchissent. On va voir. »
Dans nombre d’établissements, une grande confusion règne sur la date d’application de la loi. Fin août, le ministre de la Santé, Olivier Véran, avait annoncé « que l’obligation vaccinale pour les seuls territoires ultramarins touchés par la [quatrième] vague [de Covid] serait repoussée de l’autre côté de la vague mais qu’elle aurait lieu ». Un report sine die, en quelque sorte, que chacun interprète à sa manière. Dans les Antilles, la directrice générale de l’agence régionale de santé (ARS) de Guadeloupe, Saint-Barthélemy et Saint-Martin rejette toute idée de dérogation aux règles. « L’obligation vaccinale est une loi, elle s’applique. Mais nous allons réaliser les contrôles de manière progressive », explique Valérie Denux, qui estime qu’au 15 septembre 50 à 60 % des soignants étaient vaccinés. Avec de grandes disparités. A l’Ehpad Les Jardins de Belost, à Saint-Claude (Guadeloupe), 70 % des personnels affichent un schéma de vaccination complet, selon sa directrice Carole Dalicy : « On a travaillé sur les peurs du personnel, en les recevant individuellement pour dénouer les réticences, en insistant sur l’importance de protéger les résidents, en soulignant parfois les comorbidités de certains, sans dramatiser et avec bienveillance. »
A Cayenne (Guyane), la directrice de l’Ehpad Saint-Paul, Nathalie Prévoteau, sensibilise depuis le début de l’année. Pourtant, seuls 40 % des 38 professionnels de l’établissement attestent d’un schéma vaccinal complet. « Sauf s’ils entendent raison, je risque d’avoir des soucis de personnel », craint-elle. Elle pointe les difficultés de recrutement préexistantes : « On a toujours eu un problème de concurrence avec l’hôpital, les indemnités de vie chère y étant plus importantes qu’en Ehpad. » Sur ce territoire toujours très affecté par la pandémie, beaucoup déplorent le manque de sensibilisation des autorités de santé locale, le caractère infantilisant de l’obligation, quand ils ne doutent pas tout simplement des effets du vaccin. Contactée, l’ARS de Guyane n’a pas répondu à nos demandes d’entretien. Pas plus que de nombreux directeurs d’établissement.
A La Réunion, la situation paraît plus apaisée. Selon l’ARS, au 15 septembre, 95 % des personnels concernés affichaient un début de schéma vaccinal. A l’association Alefpa, qui compte près de 650 salariés dans une quarantaine d’établissements du secteur médico-social, 88 % des effectifs font état d’au moins une première injection. « Les 12 % restants sont en arrêt maladie ou en congé. J’attends un retour de leur part pour avoir une position claire », indique Moïse Fontaine, directeur territorial, qui explique avoir mené une longue démarche de sensibilisation. « On a réalisé pléthore d’informations sur tous types de format : affiches, e-mails, discussions orales avec les professionnels de terrain et les représentants du CSE [comité social et économique]. » Si les résultats sont satisfaisants, Moïse Fontaine n’en a pas moins anticipé de possibles réorganisations. Si besoin, il fera appel à la plateforme RH mise en place par les ARS dans les différentes régions de France. Une option de dernier recours qui pourrait fluidifier les recrutements, mais ne résoudra pas la pénurie de personnels des territoires ultramarins si celle-ci venait à se confirmer.