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Etablissements et services : rares suspensions, graves conséquences

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Etablissements et services : rares suspensions, graves conséquences

Crédit photo Maxime Ricard
L’obligation vaccinale pour les soignants est entrée en vigueur le 15 septembre. Le nombre de professionnels suspendus s’avère moindre que ne l’a initialement craint le secteur. Mais les conséquences de ces absences apparaissent localement préoccupantes.

« Après enquête auprès de tous nos collaborateurs, nous n’affrontons pas le raz-de-marée redouté. Malgré quelques difficultés isolées, la non-vaccination des professionnels n’est pas un sujet majeur », affirme Benoît Menard, secrétaire général de la Fnaafp-CSF, l’une des principales fédérations de l’aide à domicile. C’est un fait, la déferlante de désertions des professionnels n’a pas eu lieu. Les soignants pour qui l’obligation vaccinale est entrée en vigueur le 15 septembre (voir encadré ci-dessous) ont massivement respecté la loi. Au 21 septembre, selon Santé publique France, 90,4 % des soignants en Ehpad ou en unité de soins de longue durée (USLD) avaient reçu au moins une dose de vaccin, de même que 90,1 % des personnels soignants salariés en établissements de santé et que 95,5 % des professionnels libéraux.

« Si l’on compare la situation actuelle avec ce que nous avons vécu il y a six mois ou au début de la crise, c’est le jour et la nuit en termes de gestion des équipes. Ce n’est pas simple mais c’est plus stable, plus serein, plus clair », assure Gilles Deschamps, directeur de l’ADMR (Aide à domicile en milieu rural) du Calvados. Dans ce département, sur les 1 400 salariés de l’association, 24 ont refusé la vaccination, soit 1,5 % des effectifs : deux ont démissionné, 12 sont suspendus et 10 sont en arrêt de travail. Le 23 septembre, le Premier ministre, Jean Castex, a confirmé cette impression, assurant que, sur le million de salariés du médico-social éligibles à la vaccination obligatoire, « les directeurs d’établissement ont prononcé près de 3 000 suspensions de contrat de travail ». Il estime que cela indique que les personnels sont dé­sormais convaincus.

Sur le terrain, les dirigeants se montrent moins catégoriques. Ils considèrent que les chiffres ne devraient évoluer qu’à la marge. « Entre le discours d’Emmanuel Macron et l’entrée en vigueur de l’obligation vaccinale, deux mois se sont écoulés. Certains ont pu penser que le gouvernement n’irait pas jusqu’au bout et vont peut-être changer d’avis, mais il sera extrêmement difficile de convaincre les plus réticents », prévoit Gilles Deschamps.

Des absences qui pèsent lourd

Même constat dans les Ehpad qu’à domicile. « La situation demeure gérable », confirme Yann Reboulleau, président du groupe Philogéris, qui compte 20 Ehpad. Le 15 septembre, il comptabilisait 97,5 % de vaccinés et 20 salariés sur 753 en situation de non-respect de l’obligation légale : 11 en arrêt de travail, une salariée en rupture conventionnelle et huit autres (soit 1 %) suspendus de leur contrat. « Nous avions largement anticipé. Dès la fin du mois d’août, chaque directeur avait déjà une connaissance des salariés potentiellement réfractaires. Ils les ont interrogés individuellement pour connaître leur position définitive sur le sujet et éviter de les mettre au planning après le 15 septembre », assure le directeur. Dans deux établissements, la situation s’avère cependant plus tendue car plusieurs salariés se trouvent suspendus. Ces Ehpad se situent en Provence-Alpes-Côte d’Azur et en Occitanie, autrement dit dans les régions où les professionnels sont les moins vaccinés (voir carte ci-contre).

Majoritairement, les acteurs de terrain l’assurent : la situation n’est pas catastrophique. Surtout si on la compare avec celle des dix-huit derniers mois. Les perturbations apparaissent même minimes. « Depuis le début de la crise, les professionnels sont au rendez-vous de la sécurité de nos concitoyens. Cela se confirme une nouvelle fois : ils ont répondu à l’appel de la vaccination », se réjouit Pierre Gouabault, directeur de trois Ehpad publics dans le Loir-et-Cher.

Pour autant, en dépit du petit nombre de réfractaires, ces absences, conjuguées à des facteurs comme l’usure des professionnels ou le manque d’attractivité et de reconnaissance, pèsent lourd. « Ces suspensions de contrat impactent le bon fonctionnement des structures », confirme Emmanuel Martineau, directeur général de l’association Kervihan, qui gère des structures pour personnes âgées et/ou en situation de handicap. Pourtant, sur les 538 salariés de l’association répartis sur huit établissements et services, seulement six ne sont pas vaccinés. « C’est surtout l’absence de la salariée de l’Ehpad qui cause problème, admet le directeur général. Car ce secteur vit à flux tendu en termes de ressources humaines. En réalité, nous sommes en recrutement permanent. L’un de mes foyers d’accueil médicalisés concentre cinq ou six postes vacants. Dès lors, la situation devient plus complexe encore, même avec uniquement un ou deux salariés absents faute de vaccination. »

Jean-Louis Belmar, directeur de l’Ehpad Egoa, à Bassussarry (Pyrénées-Atlantiques), déplore de son côté sept salariés non vaccinés sur un effectif de 47 professionnels : trois ont démissionné et quatre sont actuellement suspendus. Il s’agit du cadre infirmier, de l’ergothérapeute, d’un agent de service hôtelier et des quatre aides-soignants et aides médico-psychologiques. Pour trouver ces sept remplaçants, il s’appuie sur des intérimaires. Mais, certains jours, il n’arrive pas à remplir ses effectifs. Ce mode de fonctionnement présente donc ses limites, d’autant que, comme il l’assure, « en travaillant avec autant d’intérimaires, le suivi des résidents n’est pas optimal. Ils ne connaissent pas l’établissement, les résidents, les habitudes de chacun, leur rythme, etc. Automatiquement, le service se dégrade. Ce qui se répercute sur les personnes âgées. »

Vers des fermetures de services ?

Pour Nathalie Celani-Manteca, directrice de l’institut médico-éducatif (IME) L’Esperelle, à Caluire-et-Cuire (Rhône), l’obligation vaccinale entraîne « des conséquences énormes sur l’ensemble de la structure ». Sur ses 121 salariés, quatre sont actuellement suspendus. Elle se dit extrêmement « préoccupée » par les circonstances. « Entre les difficultés de recrutement (entre autres, deux postes vacants d’infirmiers) et les absences liées à l’obligation vaccinale, je me pose la question tous les jours de savoir si mon établissement va pouvoir continuer à accueillir les enfants dans de bonnes conditions de sécurité et de qualité d’accompagnement. Si la situation perdure, je fermerai des unités pour garantir aux enfants un accueil conforme à leurs besoins. Je suis très inquiète. »

De son côté, Jean-Louis Belmar s’insurge encore : « Je comprends l’obligation vaccinale mais je m’interroge sur l’utilité de se priver d’une part de professionnels qui veulent travailler, Je connais un établissement où il manque 14 salariés, dont 7 aides-soignants. Ceux qui restent doivent donc effectuer une vingtaine de toilettes par jour. Il serait peut-être judicieux d’effectuer un pas de côté, d’essayer de trouver une entente raisonnée parce que, là, nous allons droit dans le mur. A la limite, qu’on nous oblige à tester nos professionnels tous les trois jours, voire tous les matins. Mais se priver de personnel alors qu’il en manque déjà, c’est se tirer une balle dans le pied. »

La voix de ce directeur d’Ehpad est plutôt discordante. La grande majorité des acteurs de terrain s’opposent à un éventuel assouplissement de l’obligation vaccinale, malgré les contraintes que cela engendre. « Le niveau de vaccination est tel que l’on peut considérer que la décision prise est un succès. Il était nécessaire d’en passer par là, estime Emmanuel Sys, président de la Conférence nationale des directeurs d’établissements publics pour personnes âgées et handicapées (CNDEPAH). Ce n’est pas maintenant que l’immense majorité des salariés a été vaccinée que l’on doit abandonner l’obligation. Le discours serait incompréhensible. Revenir dessus n’aurait aucun sens. »

L’obligation vaccinale, pour qui ?

Sont concernés les personnels exerçant dans les établissements des champs sociaux et médico-sociaux suivants :

• éducation aux jeunes adultes et mineurs en situation de handicap : Camsp, CMPP, EEAP, IDA, IDV, IEM, IME, INJA, INJS, Itep, Safed, Sessad, SSEFS ;

• insertion : centres de préorientation, centres de réadaptation professionnelle, Esat ;

• personnes âgées : centres d’accueil de jour, Ehpad, PUV, résidences autonomie, résidences services, Saad, Spasad, Ssiad, USLD ;

• personnes handicapées : FAM, foyers, MAS, Samsah, SAVS, Ssiad, Ueros ;

• établissements spécifiques : appartements de coor et expérimentaux, Caarud, Csapa, LAM, LHSS ;

• logements foyers ;

• habitats inclusifs.

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