Dans le secteur de l’aide à domicile, « l’avenant 43 » aura été le texte le plus attendu et commenté des années 2020 et 2021. Il vise à réformer intégralement tant le système de classification des emplois que les rémunérations de la profession.
Initialement, la convention collective nationale de la branche de l’aide, de l’accompagnement, des soins et des services à domicile (BAD) du 21 mai 2010 avait fait l’objet d’un arrêté d’extension le 23 décembre 2011. Le texte de base comprenait un titre III entièrement dédié aux emplois dans la branche qui n’avait fait l’objet d’aucune modification depuis lors. Une négociation s’était engagée entre les partenaires sociaux afin de faire évoluer tant le système de classification que les rémunérations de la convention collective. C’est dans ces conditions que l’avenant 43/2020 avait été signé le 6 février 2020(1).
Si tant les organisations représentatives des structures employeurs que la majorité des organisations syndicales représentatives des salariés mettaient en avant la nécessité de revaloriser les classifications et le rémunérations des salariés du secteur, c’est la question du financement de la réforme qui conduisait à un temps de décalage très important entre la signature de l’avenant et son agrément puis extension.
A noter : Les conventions et accords collectifs applicables aux salariés des établissements et services sociaux et médico-sociaux à but non lucratif dont les dépenses de fonctionnement sont, en vertu de dispositions législatives ou de nature réglementaire, supportées par des personnes morales de droit public ou des organismes de sécurité sociale (en tout ou partie et directement ou indirectement) ne peuvent prendre effet qu’après agrément (code l’action sociale et des familles [CASF], art. L. 314-6). Ce n’est qu’une fois l’agrément pris que le texte peut être étendu par arrêté ministériel.
L’avenant 43/2020 du 26 février 2020 a finalement fait l’objet d’un agrément par arrêté du 21 juin 2021, publié au Journal officiel le 2 juillet 2021. Le même avenant 43 et son avenant 1 ont fait l’objet ensuite d’une extension par arrêté du 28 juillet 2021, publié au Journal officiel le 5 août 2021.
L’avenant 43 ayant été agréé puis étendu au cours de l’été, l’ensemble de ses dispositions ont vocation à entrer en vigueur dès le 1er octobre 2021.
L’impact majeur de l’avenant 43 est celui relatif à la classification des emplois et au système de rémunération. Il remplace l’intégralité du titre III du texte de base de la convention collective et également les dispositions au sein du titre V au sein des articles 18, 24, 32.1 et 32.2.
C’est une réforme en profondeur et sans précédent qui est instaurée par l’avenant.
Première différenciation entre l’ancien titre III de la convention collective et l’avenant 43, la question de la définition des postes de travail et des emplois est totalement remaniée. Ainsi, on peut rappeler que le titre III de la convention collective comprenait 3 filières, 9 catégories et pas moins de 44 emplois repères, rendant la visibilité de la classification difficile.
Les 3 filières d’emplois jusque-là prévues – « personnels d’intervention », « personnels administratifs et de services généraux », « personnels d’encadrement et de direction » – sont remplacées par 2 filières :
• filière « intervention », pour les personnels d’intervention ;
• filière « support », pour les personnels administratifs et de services généraux et les personnels d’encadrement et de direction.
Les neuf catégories d’emplois repères, qui généraient une classification de la lettre A à la lettre I, sont entièrement supprimées et remplacées par un découpage plus classique au sein de chaque filière :
• employés ;
• techniciens/agents de maîtrise ;
• et cadres.
La simplification intervient également dans la mise en place de la définition des emplois, qui prennent un caractère générique. Ce sont dorénavant 12 emplois qui remplacent les 44 emplois repères anciens (voir encadré ci-contre).
L’avenant précise que les emplois se caractérisent notamment au regard des publics accompagnés ou des services d’affectation, des principales missions exercées et des missions transversales.
La première difficulté est celle qui conduit à devoir mettre au sein d’une même catégorie des salariés qui, dans le cadre de l’ancienne classification, relevaient d’emplois repères différents.
Une fois le salarié positionné dans l’une des trois catégories, c’est le choix du degré 1 ou 2 qui tend à s’approcher des spécificités des métiers de la branche de l’aide à domicile. Le guide paritaire d’application de l’avenant 43/2020(1) précise à ce titre que le degré vient exprimer « le degré de complexité des missions du salarié au regard de la technicité qu’elles requièrent et de la plus ou moins grande autonomie des publics accompagnés ».
Dans le cadre de la filière intervention, le degré 2 se distinguera par un public connaissant une incapacité d’effectuer seul les actes ordinaires ou essentiels de la vie courante, ce qui ne sera pas le cas du degré 1 au sein duquel les personnes seront en perte d’autonomie mais ne nécessitant pas que le salarié effectue les actes en lieu et place de la personne aidée ou accompagnée. Le degré 1 implique une technicité moindre que le degré 2.
S’agissant de la filière support, le découpage est strictement identique à celui de la filière intervention mais les composantes de la définition des emplois génériques sont légèrement différentes. Le premier critère n’est plus celui du public accompagné mais celui du service d’affectation du salarié. Les critères relatifs aux principales missions et aux missions transversales demeurent quant à eux identiques.
La question des degrés au sein de chacune des trois catégories s’évalue, comme pour la filière intervention, au regard du degré de complexité des missions effectuées et confiées au salarié.
La nouvelle grille de classification implique donc pour les employeurs de parvenir à déterminer en premier lieu si le salarié relève de la filière intervention ou de la filière support.
Au sein de la filière sélectionnée, trois catégories sont définies intégrant les employés, techniciens et agents de maîtrise et les cadres. Il appartient enfin à l’employeur de déterminer dans quel degré le salarié devra se situer.
Il s’agit du dernier niveau permettant d’affiner la classification du salarié et qui est relatif au niveau de maîtrise de l’emploi. Chaque degré comporte trois échelons :
• l’échelon 1 est réservé aux salariés en phase d’appropriation des missions composant la base de l’emploi ;
• l’échelon 2 est attribué dans l’hypothèse d’une maîtrise de l’ensemble des principales missions de l’emploi considéré ;
• l’échelon 3 induit quant à lui une parfaite maîtrise de l’ensemble des missions de l’emploi dans des situations classiques comme inhabituelles.
Il s’agit ici de s’attacher aux compétences et capacités mêmes du salarié et non plus du poste de travail.
L’avenant 43 fixe les conditions qui doivent permettre au salarié d’évoluer de l’échelon 1 à l’échelon 3. On relèvera que les conditions sont relativement identiques tant dans le cadre de la filière intervention que dans celui de la filière support. De même, le mécanisme ne diffère pas en fonction de la catégorie employés, techniciens/agents de maîtrise ou cadres.
Dans toutes les situations, l’échelon 1 correspondant à la phase d’appropriation des missions de base de l’emploi peut être abandonné pour l’échelon 2 dans deux hypothèses :
• l’obtention de 48 mois de pratique dans l’emploi ;
• ou le suivi d’un volume minimal d’heures de formation en échelon 1, en lien avec les principales missions de l’emploi.
Dans la seconde hypothèse, il est nécessaire de justifier également de 1 année de pratique en échelon 1 du degré concerné. Le mécanisme est toujours identique et conduit en conséquence à permettre au salarié de franchir l’échelon 1 pour se positionner au niveau 2 au regard d’une durée de pratique dans l’emploi ou d’un minimum de formation et de pratique. L’évolution professionnelle connaît donc une certaine automaticité au regard de la simple ancienneté du salarié.
En revanche, le passage en échelon 3 connaît dans toutes les hypothèses des conditions plus strictes et il est nécessaire de justifier en principe de 4 années de pratique en échelon 2 ou d’une durée de formation minimale en échelon 2. S’y ajoute une « appréciation par l’encadrement de la parfaite maîtrise de l’ensemble des missions de l’emploi » assortie d’une analyse de capacité propre au type d’emploi. Ainsi, à titre d’exemple, le technicien ou agent de maîtrise de la filière intervention degré 2 souhaitant obtenir l’échelon 3 verrait apprécier par l’encadrement sa « capacité de participer à l’organisation, la coordination, l’encadrement du service, la gestion de projet selon les grilles d’évaluation définies dans le guide paritaire prévu à l’article 11 ».
Dans la filière support, un employé degré 1 verrait apprécier par l’encadrement « la capacité d’adaptation à des situations imprévues, la capacité d’initiative et de rendre des comptes, selon les grilles d’évaluation définies dans le guide paritaire prévu à l’article 11 ».
A noter : S’agissant du statut cadre dans les deux filières pour le degré 2, l’appréciation est effectuée par les instances dirigeantes en lieu et place de l’encadrement.
Dorénavant, la rémunération des salariés employés dans la branche de l’aide à domicile doit connaître deux composantes majoritaires incluant le salaire de base et les éléments complémentaires de rémunération (ECR).
Le salaire de base est fonction de la filière, de la catégorie et de l’échelon. Il demeure déterminé par un coefficient qui doit être multiplié par la valeur unitaire du point, actuellement fixé à 5,50 € par l’avenant 44 de la convention collective de la branche de l’aide à domicile(1).
Les éléments complémentaires de rémunération sont répartis en trois catégories, elles-mêmes subdivisées en sous-catégories :
• les ECR pérennes et personnels, liés aux diplômes et à l’ancienneté ;
• les ECR ponctuels et transverses, liés à l’organisation du travail : travail du dimanche et jours fériés ; astreinte ; travail de nuit ; accompagnement de salarié/stagiaire/tutorat ;
• les ECR spécifiques aux cadres : responsabilité ; nombre d’associations ; complexité ; cadres supérieurs (deux catégories) ; nombre de places en Ssiad.
Si la création d’un nouveau système de classification et de rémunération apparaît comme une avancée certaine pour la branche de l’aide à domicile, le point principal actuel est celui de son entrée en vigueur.
L’avenant 43 connaît une application à compter du 1er octobre 2021. En pratique, cela signifie que les salariés de la branche devront être positionnés au sein de la nouvelle grille de classification dès cette date.
A noter : Tant l’avenant que le guide paritaire ne prévoient aucun délai supplémentaire de mise en œuvre, la date du 1er octobre 2021 connaissant donc un caractère impératif.
Chaque structure relevant de la branche de l’aide à domicile doit donc avoir intégré les nouvelles modalités de classification pour une application dès le 1er octobre 2021.
Afin de parvenir à un reclassement efficace et correctement justifier de l’ensemble des salariés des structures, il peut être conseillé de mettre en place une grille définissant les conditions actuelles du poste de travail occupé par l’employé qui pourra intégrer notamment :
• l’intitulé exact du poste ;
• le détail de l’ensemble des tâches effectuées par le salarié ;
• l’ancienneté sur trois niveaux : dans la branche, dans la structure et dans le poste ;
• les éléments de formation du salarié intégrant les diplômes et l’ensemble des formations suivies en lien avec l’emploi.
Une fois la grille complétée, l’employeur devra alors comparer le résultat obtenu avec les nouvelles possibilités offertes par la grille de classification fixée par l’avenant 43.
Il s’agira alors d’utiliser un raisonnement en entonnoir en choisissant successivement les éléments suivants :
• la filière intervention ou la filière support ;
• la catégorie employé, ou technicien-agent de maîtrise ou cadre ;
• le degré 1 ou 2 au regard de la technicité des tâches à accomplir ;
• le niveau de l’échelon choisi cette fois-ci en fonction du niveau de maîtrise de l’emploi par le salarié (échelon 1, 2 ou 3, déterminé en fonction de l’ancienneté dans le poste et de la formation du salarié).
Après avoir déterminé le reclassement au sein de la nouvelle classification, il appartiendra à l’employeur de fixer, par salarié, une fiche de poste adaptée à l’emploi exercé.
L’avenant 43 précise que l’employeur a l’obligation de procéder, avant le 1er octobre 2021, à une notification de nature individuelle pour chacun des salariés du reclassement effectué et de la nouvelle classification.
Il est également impératif d’intégrer, conséquence de la modification de la classification, les nouveaux éléments de rémunération du salarié divisés en salaire de base et éléments complémentaires de rémunération (ECR).
A noter : Le guide paritaire d’application de l’avenant 43/2022 propose, en son annexe 1, un modèle de notification au salarié de son reclassement qui pourra être adapté par l’ensemble des structures pour suivre leurs obligations.
Les nouvelles dispositions de la classification n’ont pas de caractère facultatif et doivent donc s’appliquer à l’ensemble des structures relevant du champ conventionnel.
L’avenant s’applique ainsi de manière automatique aux employeurs comme aux salariés qui ne peuvent pas refuser leur reclassement.
Le texte conventionnel comme le guide paritaire d’application précisent les modalités selon lesquelles les salariés peuvent contester leur nouvelle classification. Il s’agira, d’après le guide, de tenter en premier lieu une résolution interne à la structure.
A défaut, l’avenant fixe la possibilité de saisine de la Commission nationale de recours et de suivi, uniquement via l’intermédiaire d’une organisation syndicale représentative de salariés ou d’employeurs au niveau de la branche.
S’agissant de litiges de nature individuelle, la voie judiciaire sera classiquement celle de la saisine du conseil de prud’hommes compétent.
L’avenant 43 a pour spécificité, au-delà d’entraîner une révision complète de la classification et du système de rémunération des salariés de la branche, de mettre en place, de manière impérative et pour l’ensemble des structures relevant de la branche, un entretien d’évaluation au moins tous les 2 ans.
Le texte précise dorénavant : « Chaque salarié.e est reçu.e au moins tous les 2 ans, par l’employeur ou son (ou sa) représentant.e dûment mandaté.e, en entretien pour une évaluation. »
Le texte conventionnel précise également que l’évaluation doit être effectuée grâce au modèle de grille d’évaluation mis en place par les partenaires sociaux.
L’objectif de la mise en place de ces entretiens est de positionner chaque salarié dans un degré puis un échelon grâce à l’évaluation régulière des compétences.
L’obligation de la mise en place de l’entretien d’évaluation entre en vigueur à compter du 1er octobre 2021 et ce dernier doit être réalisé pour la première fois dans les 2 ans qui suivent cette date.
L’entretien d’évaluation fixé connaît un caractère spécifique et il ne vient en aucun cas remplacer l’entretien professionnel.
Le guide paritaire précise toutefois que cet entretien conventionnel peut être effectué dans le même temps que l’entretien professionnel, sous réserve de bien distinguer les deux types d’entretien.
La convention collective de la branche de l’aide à domicile a vocation à s’appliquer à l’ensemble des entreprises et organismes ou bailleurs privés à but non lucratif qui exercent à titre principal leur activité auprès de personnes physiques pour dispenser toute forme d’aide, de soins, d’accompagnement, de services et d’interventions au domicile ou à proximité. Les exceptions sont fixées également par le texte conventionnel de base à l’article I du titre 1er.
L’avenant 43 ayant fait l’objet d’une extension, il trouve donc application à l’ensemble des structures entrant dans le champ d’application de la convention collective de base, qu’elle soit adhérente ou non des organisations.
(1) Côté employeurs, par l’Union syndicale de la branche de l’aide à domicile (USB Domicile), composée des fédérations Adédom, ADMR, Fnaafp-CSF et UNA, et, côté salariés, par les syndicats FO et CFDT – la CGT ayant décidé d’y adhérer en novembre 2020.
(1) Consultable sur https://bit.ly/39IolVw.
(1) Avenant 44-2020 du 30 avril 2020 relatif à la valeur du point étendu par arrêté du 16 février 2021, publié au Journal officiel du 23 juin 2021 portant la valeur du point à 5,50 € au 1er janvier 2020.