La porte s’est ouverte à 7 heures. Bouger et s’assurer que l’on est toujours vivant, c’est la seule finalité du réveil. Cette habitude qui deviendra quotidienne. « Petit déjeuner ? » Une odeur de café amer a enveloppé la cellule. Un détenu effectuait la distribution d’eau chaude. Il tenait un paquet dans une main, dans lequel se trouvait un biscuit, du chocolat en poudre, un sachet de sucre et un petit pot en plastique de confiture à l’abricot. Le surveillant, doté d’un bel embonpoint, s’est montre directif.
A ce stade de la détention, le seul acte médical obligatoire consiste en une radio des poumons. Refuser de s’y soumettre, c’est risquer une sanction disciplinaire. Ambiance. La courtoisie n’était pas le fort de l’infirmière chargée de cette tâche. La masse des détenus à radiographier a fini par rendre ses gestes et ses mots presque automatiques.
Cette formalité expédiée, retour en cellule. Le package distribué la veille devait être restitué puisque, à 11 heures, ce serait le départ pour le bâtiment d’affectation. Trois heures à tuer, seul en cellule. C’est cet entre-deux, ce temps inutile, qui rend la prison si dure. Aucun bénéfice à en tirer, sauf peut-être à se rêver hors des murs.
11 heures 30. L’heure du départ. Plus jamais – du moins, le temps de mon incarcération – la ponctualité des horaires ne sera au rendez-vous. Avec ceux arrivée la veille, nous sommes montés tous les quatre dans un minibus Renault Master. Direction le D2, pour « division 2 ». On y place les détentions provisoires. C’est un immeuble gris agrémenté de quelques touches de couleur jaune, rouge vif ou vert anis, qui viennent réveiller la façade terne. Le minibus s’est garé en marche arrière devant la porte principale du D2, de sorte que l’arrière du van donnait directement devant la porte. Il faut en permanence réduire la capacité d’action des détenus et limiter chaque geste au minimum. Aucune action n’est admise, sauf celle spécifiquement autorisée par l’administration pénitentiaire.
Passé la porte principale vitrée, les premières grilles sont apparues. Une plaque transparente placée dans le hall du bâtiment indique qu’il a été inauguré en 2010, à la suite d’une rénovation, par Rachida Dati.
Chacun des quatre étages est divisé en trois ailes : gauche, milieu et droite. Le rez-de-chaussée échappe à la règle puisqu’une aile « arrivants » y a été aménagée. Tous les nouveaux doivent y passer entre un et trente jours. De quoi permettre à nos gardiens d’évaluer notre comportement et notre éventuelle dangerosité. Sous mes pieds se glissaient le néant.