Si la restitution d’un enfant placé à sa famille est une préoccupation constante dans le Pas-de-Calais, cet objectif a bénéficié d’un virage important avec l’avènement en 2011 du dispositif d’accompagnement au retour en famille (Darf). Dispositif dont s’est emparée la maison d’enfants à caractère social (Mecs) de la Côte d’Opale, à Saint-Martin-Boulogne, qui, depuis dix ans, accompagne une dizaine d’enfants dont le projet est de retourner vivre dans le foyer familial. Un projet qui n’est toutefois possible que moyennant l’intervention régulière de trois éducateurs spécialisés qui s’y dédient à plein temps. La démarche dure un an au maximum, au cours duquel le référent éducatif effectue en moyenne quatre interventions par semaine, sous forme de rencontres en présentiel au domicile, de prises de contact téléphonique, d’espaces d’écoute pour l’enfant et sa famille ou d’entretiens en milieu scolaire.
« C’est une prise en charge très différente de celle en institution. Nous disposons de plus de temps pour rencontrer les familles, observer les compétences parentales et instaurer de la confiance. Le but, c’est qu’à la fin de la mesure, ils puissent repartir avec un sac d’outils qu’on aura élaboré ensemble auparavant », explique Caroline Mercier, l’une des trois intervenants sociaux du service DMAD (dispositif de maintien et d’accompagnement à domicile)-Darf de la Mecs boulonnaise. Cette mesure ne peut toutefois s’exercer que si le niveau de risque pour l’enfant le permet, et si les potentialités d’évolution de la famille le justifient. A charge au juge, à qui revient la décision d’instaurer ou pas le dispositif, d’en faire l’évaluation fine. « Le but du jeu est certes d’anticiper la demande de mainlevée d’un placement, mais ce n’est certainement pas de mettre l’enfant en échec, en lui infligeant un nouveau placement si la mesure échoue », prévient Bruno Defachelle, responsable du service depuis deux ans. En cas de crise, néanmoins, une solution de repli peut être proposée : l’enfant est soustrait rapidement du domicile familial et ramené en institution pendant 14 jours. « A la fin de ce délai, détaille Caroline Mercier, on se réunit à nouveau tous ensemble et on met les choses à plat. Quand c’est possible, on reprend le suivi en fixant de nouveaux objectifs avec les parents, mais il arrive aussi qu’on soit contraint de repartir sur un placement. »
Dans le service boulonnais, ce cas de figure se présente rarement. Et ce, principalement, parce que la mise en place du dispositif d’accompagnement au retour en famille est soigneusement préparée en amont, tant par les référents dédiés que dans les unités de vie ou la famille d’accueil. Des temps de plus en plus longs en famille sont ainsi institués au préalable (visites médiatisées, passage d’un technicien de l’intervention sociale et familiale, vacances en famille), de sorte qu’enfant et parents puissent réapprendre doucement à vivre ensemble avant d’envisager la réunification familiale définitive. Lorsqu’une demande aux fins de recourir au Darf est effectuée auprès du responsable du service départemental, une première rencontre tripartite entre l’équipe éducative, la famille et l’enfant est également programmée. Le but ? Clarifier les motifs et les enjeux de la mesure, recueillir les différentes attentes et cibler les compétences et les responsabilités parentales.
« Tout ce travail de préparation est nécessaire pour susciter l’adhésion conjointe de l’enfant comme de sa famille, car lorsque la mesure est subie et que nous ne sommes pas les bienvenus, on sait très bien qu’elle a moins de chances d’aboutir favorablement », étaye Patrick Girard, autre référent du service. Même chose si la mesure est imposée aux intervenants sociaux. « Il arrive parfois que la mise en place du Darf soit décidée contre l’avis des éducateurs, simplement parce que les institutions sont à court de solutions ou qu’elles manquent de places, poursuit-il. C’est un vrai problème apparu récemment alors qu’il y a quelques années, on donnait notre avis sur les situations. » Les éducateurs du Darf disposent, toutefois, d’un droit de veto sur la mesure s’ils savent, dès l’admission, qu’elle ne permettra pas une évolution favorable du contexte familial. « Au bout d’un mois, on peut valider le fait qu’on n’arrive pas à travailler avec la famille et en informer le juge qui acte la fin de la mesure, résume Bruno Defachelle. Mais, heureusement, globalement, à court et moyen terme ce dispositif fonctionne bien, même s’il ne réalise pas de miracle. »