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Lueur dans la nuit

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Le dernier client vient de partir. Un de plus, un de trop. J’ai froid, j’ai mal. Froid partout et mal partout. La chambre est ravagée, mon corps est dévasté. Ou le contraire. Il a insisté, j’ai refusé, il a hurlé, j’ai supplié, il a frappé, je suis tombée. Une fois de plus, une fois de trop. La dernière fois. J’étais Rose, une jolie fleur à peine éclose. Une jolie fleur qui poussait sur un tas de fumier. Mignonne, allons voir si la rose… J’avais pas de passé mais j’avais un avenir. Un avenir qui sentirait bon et qui effacerait les mauvaises herbes et les ronces du chemin.

Je suis Flora, une fleur coupée, fanée, séchée. Une fleur admirée et choyée, une fleur trop arrosée et délaissée. Une fleur presque morte, dans un joli vase. Mais pas tout à fait. Il reste un peu de sève, un peu de vie, un peu d’envie. Envie de fuir et d’oublier, leurs corps, leurs mots, leurs envies répugnantes et toutes les excuses qu’ils se donnent. Envie de vivre encore.

Il faut partir. Prendre quelques affaires, le strict minimum, ce qui tiendra dans un sac. Mes papiers, quelques vêtements, et… Et rien. Je n’ai rien, de toute façon. Cette chambre est aussi vide que moi. Une chambre miteuse et sans âme. Je n’y laisse que draps froissés et vêtements arrachés, capotes usagées et rêves abandonnés.

Partir. Loin de cette ville et de cette vie, sordides, loin des hommes qui passent et repassent pour une passe. Loin de celui qui m’a tant promis et de tous ceux qui ont tant joui.

Partir, vite. Avant le prochain client, avant le jour, avant le matin gueule de bois et la nuit gueule cassée. Partir très vite, avant qu’ils ne se rendent compte du vase vide et de la fleur envolée.

Partir et ne jamais revenir. Compteur à zéro et mémoire effacée, plus rien à garder et tout à espérer.

Je suis prête. J’attends sagement, confiante, sereine. Florent va venir me chercher. Je l’ai appelé il y a une heure, je tremblais, je pleurais, je suffoquais, et il a simplement répondu : « J’arrive ».

Florent est en route, il va bientôt arriver, je le sais. La voix ensommeillée et les yeux fatigués, il sera là, parce que je l’ai appelé, parce qu’il a décroché, parce qu’il m’a écoutée.

Florent va m’emmener et me sauver, nous irons n’importe où, à l’hôpital ou à l’hôtel, n’importe où mais loin de tout. J’oublierai la fleur sur le fumier, les fleurs et les fumiers, les odeurs mélangées et les pétales tombées. J’oublierai le premier homme et le dernier, leurs haleines chargées et leurs corps excités. J’oublierai le sale et le laid.

Je ferme les yeux. Noir, tout est noir, mais il reste l’espoir. Espoir de la beauté et de la vie apaisée.

J’ouvre les yeux. Dehors, la lueur des phares surgit silencieusement. Dehors, ma vie m’attend, elle est tout près, je peux bientôt la toucher.

La lumière est toute proche, je sursaute et bondis, les phares se rapprochent, je cours et m’envole, carcasse contre caboche, je vole et retombe. Fleur tombée piétinée. Ce n’était pas Florent.

La minute de Flo

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