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Protection des mineurs isolés

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Âgés de moins de 18 ans et privés de la protection de leur famille, les mineurs isolés sont pris en charge par les services de la protection de l’enfance. Présentation du dispositif d’accompagnement de ces enfants en danger.

La Convention internationale des droits de l’enfant (CIDE) reconnaît aux enfants isolés une protection particulière et fait peser sur les Etats un devoir de protection vis-à-vis de ses ressortissants mineurs mais également un devoir humanitaire d’accueillir les mineurs étrangers sur son territoire.

En France, un mineur est dit « isolé » ou « non accompagné » « lorsque aucune personne majeure n’en est responsable légalement sur le territoire national ou ne le prend effectivement en charge et ne montre sa volonté de se le voir durablement confier, notamment en saisissant le juge compétent » (arrêté du 20 novembre 2019, J.O. du 24-11-19)(1).

Le nombre de mineurs non accompagnés sur le territoire français a considérablement augmenté. Selon une enquête menée par l’Assemblée des départements de France en janvier 2018, au cours de l’année 2017, les conseils départementaux auraient réalisé plus de 54 000 évaluations sociales, soit le double par rapport à l’année précédente. De surcroît, au regard des chiffres du ministère de la Justice, le nombre de mineurs non accompagnés ayant intégré les dispositifs de protection de l’enfance a triplé entre 2014 et 2017. Parmi les mineurs non accompagnés, 77 % d’entre eux auraient entre 15 et 16 ans et que 95 % seraient des garçons. Ce phénomène est généralisé au niveau de toute l’Union européenne.

Notre dossier revient sur le dispositif d’accompagnement des mineurs isolés et notamment des mineurs étrangers.

I. Les acteurs de la protection des mineurs

A. Les institutions administratives compétentes

Le domaine de la protection de l’enfance est confié par l’Etat aux départements. Chaque département français dispose ainsi d’un service de l’aide sociale à l’enfance (ASE) dont les missions sont notamment les suivantes (code de l’action sociale et des familles [CASF], art. L. 221-1) :

• apporter un soutien matériel, éducatif et psychologique tant aux mineurs et à leur famille ou à tout détenteur de l’autorité parentale, confrontés à des difficultés risquant de mettre en danger la santé, la sécurité, la moralité de ces mineurs ou de compromettre gravement leur éducation ou leur développement physique, affectif, intellectuel et social, qu’aux mineurs émancipés et majeurs de moins de 21 ans confrontés à des difficultés familiales, sociales et éducatives susceptibles de compromettre gravement leur équilibre ;

• organiser, dans les lieux où se manifestent des risques d’inadaptation sociale, des actions collectives visant à prévenir la marginalisation et à faciliter l’insertion ou la promotion sociale des jeunes et des familles ;

• mener en urgence des actions de protection en faveur des mineurs ;

• pourvoir à l’ensemble des besoins des mineurs confiés au service et veiller à leur orientation, en collaboration avec leur famille ou leur représentant légal ;

• mener, notamment à l’occasion de l’ensemble de ces interventions, des actions de prévention des situations de danger à l’égard des mineurs et, sans préjudice des compétences de l’autorité judiciaire, organiser le recueil et la transmission des informations préoccupantes relatives aux mineurs dont la santé, la sécurité, la moralité sont en danger ou risquent de l’être ou dont l’éducation ou le développement sont compromis ou risquent de l’être, et participer à leur protection ;

• veiller au repérage et à l’orientation des mineurs victimes ou menacés de violences sexuelles, notamment des mineures victimes de mutilations sexuelles ;

• veiller à ce que les liens d’attachement noués par l’enfant avec d’autres personnes que ses parents soient maintenus, voire développés, dans son intérêt supérieur ;

• veiller à la stabilité du parcours de l’enfant confié et à l’adaptation de son statut sur le long terme ;

• veiller à ce que les liens d’attachement noués par l’enfant avec ses frères et sœurs soient maintenus, dans l’intérêt de l’enfant.

En outre, la politique du ministère de la Justice en matière de mineurs non accompagnés est confiée à la mission « mineurs non accompagnés » (MMNA) au sein de la direction de la protection judiciaire de la jeunesse. Elle est chargée d’accompagner les magistrats en favorisant la répartition des mineurs non accompagnés au sein des services départementaux. De plus, elle œuvre auprès des acteurs au moment de l’évaluation de la minorité et de l’isolement ou encore de la prise en charge.

B. Les institutions judiciaires

Le procureur de la République joue un rôle important en matière de protection de l’enfance et notamment des mineurs non accompagnés. En effet, conformément aux dispositions légales, le représentant de l’Etat et l’autorité judiciaire apportent leurs concours au département dans le recueil, le traitement et l’évaluation des informations préoccupantes relatives aux mineurs en danger ou qui risquent de l’être (CASF, art. L. 226-3).

Par ailleurs, le président du conseil départemental est tenu d’aviser le procureur de la République aux fins de saisine du juge des enfants dès lors qu’un mineur est en danger (CASF, art. L. 226-4). Le procureur de la République est ensuite tenu d’informer le président du conseil départemental des suites données à sa saisine.

En outre, le procureur de la République est compétent pour ordonner, en cas d’urgence, la remise provisoire du mineur à un centre d’accueil ou d’observation sous réserve de saisir le juge des enfants dans un délai de 8 jours afin qu’il statue sur le maintien ou la modification de la mesure prise (code civil [C. civ.], art. 375-5). Il peut également interdire à l’enfant de sortir du territoire « en cas d’urgence, dès lors qu’il existe des éléments sérieux laissant supposer que l’enfant s’apprête à quitter le territoire national dans des conditions qui le mettraient en danger et que l’un des détenteurs au moins de l’autorité parentale ne prend pas de mesure pour l’en protéger ».

Le juge des enfants a également un rôle fondamental en matière de protection de l’enfance. En effet, il intervient « si la santé, la sécurité ou la moralité d’un mineur non émancipé sont en danger, ou si les conditions de son éducation ou de son développement physique, affectif, intellectuel et social sont gravement compromises » (C. civ., art. 375). En conséquence, il joue un rôle décisionnel en matière de protection.

Par ailleurs, le juge aux affaires familiales est compétent en matière de tutelle des mineurs. Il connaît à ce titre de l’émancipation, de l’administration légale et de la tutelle des mineurs et de la tutelle des pupilles de la nation (code de l’organisation judiciaire [COJ], art. L. 213-3-1).

II. La procédure d’accueil provisoire d’urgence

Le président du conseil départemental est tenu de mettre en place un accueil provisoire d’urgence, d’une durée maximale de 5 jours, pour les personnes se déclarant mineures et privées temporairement ou définitivement de la protection de leur famille (CASF, art. R. 221-11).

Au cours de la période d’accueil provisoire d’urgence, le président du conseil départemental fait procéder à des investigations afin d’évaluer la situation de l’intéressé et de comprendre s’il est à la fois mineur et isolé. Les modalités d’évaluation ont été précisées par l’arrêté du 20 novembre 2019 (J.O. du 24-11-19).

L’évaluation repose sur un faisceau d’indices qui peut notamment intégrer des informations transmises par le préfet du département (ou à Paris le préfet de police), une évaluation sociale, mais également des examens complémentaires.

A. L’évaluation sociale

L’évaluation sociale est confiée aux services du conseil départemental ou à tout autre organisme du secteur public ou associatif qui a reçu délégation par le président du conseil départemental. Elle doit être réalisée dans une langue comprise par l’intéressé. Ce dernier doit être informé des objectifs et des enjeux liés à cette évaluation.

Les professionnels en charge de cette évaluation disposent d’une qualification ou d’une expérience et d’une formation à l’évaluation sociale.

En outre, le président du conseil départemental veille à ce que l’évaluation ait un caractère pluridisciplinaire. La pluridisciplinarité est reconnue :

• lorsqu’au moins deux évaluateurs disposant de qualifications ou d’expériences différentes interviennent ;

• ou lorsque le rapport d’évaluation sociale est relu par des personnes ayant des qualifications ou des expériences différentes.

B. L’entretien

Les autorités ont fixé un référentiel en vue de guider les entretiens menés par les évaluateurs. Il se compose de six points distincts :

• l’état civil. L’intéressé est invité à fournir tout document relatif à son état civil et à en préciser les modalités d’obtention. Il est informé des risques encourus en cas de présentation de faux ;

• la composition familiale. Il est demandé à l’intéressé tout élément sur sa famille ou ses proches ainsi que les liens qu’il entretient avec eux ;

• les conditions de vie dans le pays d’origine. L’intéressé est amené à décrire le contexte géopolitique de sa région d’origine et la situation économique de sa famille ;

• l’exposé des motifs de départ du pays d’origine et la présentation du parcours migratoire ;

• les conditions de vie depuis l’arrivée en France ;

• le projet. L’évaluateur s’intéresse au projet de l’intéressé et notamment en termes de formation, d’insertion ou encore de séjour.

A l’issue du ou des entretiens, le ou les évaluateurs réalisent un rapport d’évaluation sociale et formulent un avis sur la minorité et l’isolement de la personne.

C. L’examen osseux

En cas de doute sur la minorité et en l’absence de documents d’identité valables, des examens radiologiques osseux aux fins de détermination de l’âge peuvent être réalisés sous réserve d’une autorisation de l’autorité judiciaire et de l’accord de l’intéressé (C. civ., art. 388).

L’autorité judiciaire compétente peut être le procureur de la République ou éventuellement le juge des enfants dans le cadre d’une procédure d’assistance éducative. L’accord de l’intéressé doit être recueilli dans une langue qu’il comprend.

Ces examens radiologiques osseux ont une marge d’erreur qui doit être précisée dans les conclusions. En cas de doute, ce dernier profite à l’intéressé.

D. Les suites données à l’évaluation sociale

La décision finale revient au président du conseil départemental. Il dispose alors de deux solutions :

• soit l’intéressé est reconnu comme mineur isolé.

Dans cette hypothèse, le procureur de la République est saisi afin de prononcer une mesure de protection. Le jeune est alors pris en charge par les services de la protection de l’enfance. Une cellule nationale d’orientation et d’appui à la décision judiciaire est chargée d’orienter le mineur vers un service en tenant compte de son intérêt et de la clé de répartition des prises en charge sur le territoire ;

• soit l’intéressé ne remplit pas les conditions et une décision de refus de prise en charge lui est notifiée.

La décision mentionne notamment les délais de recours et les droits auxquels il peut prétendre. En effet, il a la possibilité de faire un recours gracieux ou éventuellement de saisir le juge des enfants.

A noter : Lorsqu’il est établi que le mineur est dans une situation de danger, le président du conseil départemental a la possibilité de saisir le procureur de la République et de prolonger l’accueil provisoire d’urgence jusqu’à ce qu’une décision de l’autorité judiciaire soit rendue (CASF, art. R. 221-11).

Notes

(1) Pris en application de l’article R. 221-11 du code de l’action sociale et des familles relatif aux modalités de l’évaluation des personnes se présentant comme mineures et privées temporairement ou définitivement de la protection de leur famille..

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