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Jardins (extra)ordinaires

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Depuis plusieurs mois, un collectif se mobilise à Aubervilliers pour sauver les jardins ouvriers menacés par les projets d’aménagement urbain du Grand Paris et des Jeux olympiques de 2024. Préserver ces espaces, aussi appelés « jardins familiaux », permettrait de prolonger une histoire riche d’entraide et de lutte contre la précarité.

Nés dans un contexte d’urbanisation provoquée par l’industrialisation, ils ont connu un essor tout au long du XXe siècle. Comme c’est souvent le cas en histoire, la paternité de ces initiatives n’est pas unique. Si le nom de l’abbé Lemire reste souvent associé à leur développement, le rôle pionnier d’une femme, Félicie Hervieu, doit être reconnu dans la mise en place des premiers jardins ouvriers. Cette ardennaise, sage-femme de profession, crée dans la ville manufacturière de Sedan l’œuvre de la « Reconstitution de la famille » dès 1891. Elle en rappelle l’origine : « Je secourais depuis longtemps une famille de dix personnes, et cette famille, malgré mes dons, restait toujours aussi misérable. » Dans la suite de son récit, elle lui propose de louer un jardin, de le cultiver et d’en consommer les légumes produits. C’est l’origine de ce mouvement qui prend de l’ampleur rapidement, popularisée par des brochures et des conférences.

L’abbé Lemire, prêtre à la fois député du Nord et maire d’Hazebrouck, est sensible aux efforts de Félicie Hervieu. Figure majeure du catholicisme social, il fonde en 1896 la Ligue française du coin de terre et du foyer, dont le but est de confier à chaque famille une parcelle de terre inaliénable pour subvenir à ses besoins. Plus largement, les objectifs sont d’ordre sanitaire – lutter contre les maladies et l’insalubrité – et moral – lutter contre l’alcoolisme et l’oisiveté, entre autres « fléaux sociaux ». Jouant de son statut de personnalité publique, il promeut le modèle des jardins ouvriers qui essaime partout en France. En banlieue parisienne, en particulier, il rencontre un certain succès dans les villes industrielles, contribuant à créer une ceinture verte autour de la capitale. Dans l’entre-deux-guerres – la Ligue devient la Fédération nationale des jardins ouvriers de France –, l’essor des jardins se poursuit. Il culmine lors de l’Occupation et dans l’immédiat après-guerre, dans un contexte de pénuries. C’est dans cet élan que la loi du 26 juillet 1952 définit officiellement les « jardins familiaux », organisés en associations loi 1901, et les place sous le régime du code rural.

Les Trente Glorieuses marquent cependant le temps du repli, bien qu’une loi votée en 1976 les protège de l’expropriation. Ce n’est que dans les années 2000, à la faveur d’une redécouverte de leurs vertus pour favoriser le bien-être individuel et collectif et le respect de la biodiversité qu’est créé un Conseil national des jardins collectifs et familiaux. Si l’intuition des jardins ouvriers a pu relever du paternalisme, nombre de familles se sont néanmoins saisies de cette opportunité pour créer leur espace de liberté et développer leur autonomie. Gageons que, sur ces bases, les initiatives du présent soient des facteurs de lien social… et que l’aménagement du territoire ne sacrifie pas les réussites du passé.

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