Qui veut tuer son chien l’accuse d’avoir la rage. Les institutions sociales et médico-sociales ne constitueraient plus une réponse adaptée à la prise en charge des personnes en situation de handicap. Au nom d’une société inclusive, leur remplacement par des plateformes de services s’imposerait d’urgence. Leur principe ? Accompagner les bénéficiaires au plus près de leurs besoins, via une logique de parcours centré sur l’usager et non sur une approche qui dépendrait des places en établissement. Si aucun professionnel ne conteste qu’il faille davantage tenir compte des choix des personnes, nombreux sont ceux qui s’inquiètent des conséquences d’un tel glissement et, particulièrement, du démantèlement des dispositifs médico-sociaux. Une crainte d’autant plus prégnante qu’un changement sémantique significatif s’impose : la règle n’est plus l’accès aux droits mais aux prestations. Pour Gérard Zribi, spécialiste du handicap, la vision consumériste risque de l’emporter sur la solidarité, et la protection sociale de connaître une régression (page 10). Car si des enfants, des jeunes, des adultes handicapés peuvent s’intégrer en milieu ordinaire, cela demeure impossible pour les populations les plus fragiles. Pour ces dernières, et les familles le savent bien, les établissements constituent des lieux de vie essentiels. Or les places manquent encore en France pour les plus lourdement atteints. Pour les acteurs de terrain, la réforme en cours s’apparente surtout à une volonté – à peine voilée – de réduire les coûts. La question se pose aussi en pédopsychiatrie, où voient le jour des plateformes de coordination et d’orientation (PCO) destinées à diagnostiquer et à soigner précocement les troubles du neurodéveloppement (TND) chez les enfants. Là encore, ce n’est pas l’objectif qui est remis en cause, mais l’idéologie qu’il sous-tend : une standardisation des pratiques déconnectée des réalités. Seuls les troubles du spectre autistique, de l’attention, les « dys », etc., seront traités alors qu’ils ne représentent qu’environ 20 % des problèmes rencontrés dans les centres médico-psycho-pédagogiques (CMPP). Et seule la prise en charge par des intervenants libéraux utilisant les techniques comportementales et cognitives (TCC) sera remboursée. A défaut, les structures pourraient voir leurs financements supprimés (page 8). Tout aussi inquiétant, selon Marie Bakchime, psychologue dans un centre d’action médico-sociale précoce (Camps) à Epernay et invitée de notre podcast SMS, une famille dont l’enfant est suivi par une PCO ne peut pas bénéficier de l’allocation versée par la maison départementale des personnes handicapées. Le 25 septembre, plusieurs collectifs de professionnels se retrouveront à Paris pour défendre la pluralité des pratiques : « Les TND réduisent l’enfant à son développement neuronal et écartent son développement psychologique, affectif, relationnel et social. »
L’événement
Rationalisation ou ubérisation ?
Article réservé aux abonnés