A l’heure où les projecteurs sont braqués sur les populations afghanes fuyant leur pays à la suite de la prise du pouvoir par les talibans à Kaboul, un détour par l’histoire du XXe siècle permet de cerner les contours des premières politiques de gestion des exilés.
Il y a cent ans, au cours de l’été 1921, un Haut-Commissariat aux réfugiés russes est créé à la Société des nations (l’ancêtre de l’ONU). Placée sous la responsabilité de l’explorateur norvégien Fridtjof Nansen, qui reçoit en 1922 le prix Nobel de la paix, cette instance est d’abord chargée de gérer l’afflux en Europe de réfugiés russes – 2 millions de personnes – fuyant le régime bolchévique qui vient de les dénaturaliser. Au-delà des enjeux humanitaires, l’objectif de Nansen est juridique : il s’agit de permettre à ces populations de circuler en Europe grâce à la création d’un document d’identité – le passeport « Nansen » – et de favoriser à moyen terme le retour dans leur pays d’origine.
Le caractère massif et brutal des migrations forcées à la suite de la Première Guerre mondiale, sans précédent, est révélateur de la montée en puissance de l’Etat-nation et du processus d’identification des individus, dans un contexte international troublé. Après les Russes, les Arméniens rescapés du génocide fuyant la Turquie kémaliste sont concernés par ce passeport. Nansen doit ensuite gérer l’échange forcé de populations prévu aux termes de la Convention gréco-turque du 30 janvier 1923, selon laquelle plus d’un million de Grecs orthodoxes doivent quitter l’Anatolie et la Thrace pour s’installer en Grèce, tandis que près de 500 000 musulmans grecs font le chemin inverse vers la Turquie. Plus tard, les Italiens fuyant le fascisme, les réfugiés juifs allemands ou les républicains espagnols recherchent également une protection spécifique. C’est ce qui conduit la SDN à définir le statut de « réfugié », en 1933, comme celui d’un individu « qui ne jouit pas ou qui ne jouit plus de la protection de son pays ». Si le passeport « Nansen » est reconnu dès 1924 par 38 Etats, la montée des tensions internationales dans les années 1930 complique son utilisation.
Après la Seconde Guerre mondiale, des déplacements massifs de populations ont de nouveau lieu : celui de millions d’Allemands, de Polonais et d’Ukrainiens ; celui de centaines de milliers de Palestiniens ; ou encore l’échange de populations entre l’Inde et le Pakistan, devenus indépendants en 1947. La jeune ONU crée alors en 1946 une Organisation internationale pour les réfugiés, puis le Haut-Commissariat aux réfugiés (HCR) en 1950. A travers la Convention de Genève de 1951, le HCR redéfinit la notion de « réfugié », assimilé dès lors à un persécuté.
Depuis, les situations amenant les populations à fuir leur pays se sont multipliées à la surface du globe, à la faveur de guerres, de nettoyages ethniques ou d’épisodes de répression politique, rendant souvent long et complexe le chemin vers la reconnaissance de ce statut dans les pays d’arrivée. Les hésitations et les incohérences des politiques d’accueil ne doivent toutefois pas faire oublier à l’opinion publique que ces personnes ont des droits et une aspiration légitime à la paix.