Sans elles et sans eux, les milliers d’exilés échoués entre Calais et Grande-Synthe qui tentent chaque jour de traverser la Manche ne survivraient pas. Depuis trente ans, des associatifs et des bénévoles se démènent sur les côtes pour pallier les défaillances de la puissance publique, qui ne gère plus désormais que le volet répressif de la frontière. Il y a bien quelques associations mandatées par l’Etat qui distribuent des repas ou tentent de mettre les mineurs à l’abri. Mais, de jour comme de nuit, ce sont les plus petites structures qui tentent de rendre la vie des exilés moins difficile.
Le vaste hangar de l’Auberge des migrants, qui accueille de nombreuses associations, prend souvent l’apparence d’une fourmilière. Human Rights Observers s’occupe de surveiller les expulsions matinales et d’accompagner les personnes migrantes en cas de plaintes pour violences policières. Le Refugee Info Bus, itinérant, distribue des téléphones et recharge leurs batteries sur les différents campements. La cabane juridique suit les demandeurs d’asile dans leurs démarches, mais également en cas de violences policières, et accompagne les plaintes. Les bénévoles d’Utopia 56 organisent jour et nuit des distributions de nourriture et de vêtements. Quant à la Refugee Community Kitchen, une association britannique, elle prépare quotidiennement des centaines de repas.
Présent depuis plus de trois ans, Pierre est passé d’Utopia 56 à l’Auberge des migrants. Comme lui, de nombreux volontaires changent d’association au gré des mois. « Quand je suis arrivé en 2018, la moyenne d’âge était plus élevée mais, ces dernières années, il y a un rajeunissement des bénévoles. » Beaucoup d’entre eux sont étudiants et reprennent leur cursus courant septembre. « C’est toujours à ce moment-là, à la fin de l’hiver ou à la fin de l’été, qu’on arrive en pénurie de bonnes volontés », se désole Pierre.
Pour beaucoup d’entre elles, ces associations se trouvent dans le collimateur des autorités. Les distributions alimentaires ont été interdites dans tout le centre-ville par un arrêté reconduit au fil des mois. Et pendant les confinements, rien que pour l’association Utopia 56, ce sont quelque 96 amendes qui ont été dressées par les CRS lors de distributions nocturnes ou d’interventions d’urgence. Nombre d’entre elles ont été contestées, mais le chiffre, même sans les majorations, est vertigineux : près de 13 000 € réclamés par l’Etat pour une unique raison : avoir aider celles et ceux qui en avaient besoin.