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L’arrivée

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L’administration pénitentiaire, en termes d’accueil, n’est pas des plus douées. Placé dans une cage dans laquelle il est impossible de tendre les bras en largeur, l’attente a duré plus d’une heure. Personne ne pipait mot, à l’exception d’une télévision fixée au mur, où BFMTV tournait en boucle. Deux agents ont fini par apparaître alors que, faible et fatigué, seules m’obsédaient ces deux idées : me doucher et dormir. L’arrivée dans une pièce dotée d’un énorme comptoir offrait un aller simple pour le cafard. Le véhicule ? Les regards dépressifs des personnels habillés d’un cyan déprimant. Le blues du bleu. Les regardant s’affairer, une femme a fini par appeler mon nom de famille. Une pratique en forme de règle durant la détention. L’écran de son ordinateur aurait pu m’offrir l’heure. Mais seuls y paradaient des tabourets Ikea. Tout en vérifiant mes effets personnels, elle s’est autorisée quelques remarques qui n’ont eu de réponses qu’un regard sans expression. Déjà, la sournoiserie du système rabaissant produisait son effet. Une fois photographié et mes empreintes digitales relevées, une carte d’identité, au format d’une Visa ou d’une MasterCard, m’a été délivrée. Y figuraient un portrait, un numéro d’écrou, un nom, un prénom, une date de naissance. Et le mot « Détenu » inscrit de côté. Elle ne devait jamais quitter son propriétaire. Une autre salle débouchait sur trois cabines de douche. Son usage est réservé à un rituel connu : le déshabillement. L’ordre et le rythme avec lesquels chaque vêtement doit être retiré correspondent à une procédure aussi précise, aussi peu diplomatique que ridicule. De l’arrestation à la garde à vue en passant par le tribunal, mes cerbères n’ont pas molli sur les fouilles. Au-delà de l’aspect sécuritaire, ce drôle d’effeuillage vise surtout à humilier et déshumaniser la personne qui le subit. Gabardine, pull, t-shirt, pantalon, chaussettes, baskets ont été essorés, comme broyés par ces agents aux gants blancs. Nu, mes mains masquant instinctivement mon sexe, il m’a fallu m’accroupir et tousser deux fois. Mon rectum ne cachant aucun objet suspect, les gardiens ont levé un à un mes testicules avant d’inspecter chaque plante de mes pieds. Le cerveau en mode automatique, le souffle court, et dans une indifférence totale, mes vêtements m’ont été rendus. A deux exceptions près : la gabardine et le pantalon, de teinte bleu marine. Une couleur – comme le kaki – proscrite en prison. Le jean offert en échange taillait trop grand, de deux tailles au moins.

Une saison à l’ombre

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