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Attractivité : la VAE est un dispositif utile mais insuffisant

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Saluée par toutes les parties prenantes pour la reconnaissance qu’elle offre aux professionnels et le plus qu’elle représente pour les employeurs, la validation des acquis de l’expérience (VAE) s’installe dans le paysage des travailleurs sociaux et médico-sociaux. Mais elle ne peut se transformer en panacée pour résoudre l’ensemble des problèmes de manque de main-d’œuvre du secteur.

En 2019 et 2020, 217 personnels ont été accompagnés par APF France handicap au plan national dans leur parcours de validation des acquis de l’expérience (VAE). Pour y parvenir, l’association, qui emploie 15 000 salariés, a consacré une enveloppe de 500 000 € par an au développement de ce dispositif de formation et a reçu le soutien financier complémentaire de l’Opco (opérateur de compétences) santé. Les diplômes ainsi obtenus ou en cours de préparation ont surtout été ceux d’assistant de service social et d’éducateur spécialisé mais aussi de moniteur-éducateur et de moniteur d’atelier. De son côté, et à une échelle départementale cette fois, en Ille-et-Vilaine, l’Adapei 35 (association départementale de parents et amis de personnes handicapées mentales, qui compte 1 300 salariés environ) a soutenu une trentaine de professionnels qui se sont lancés dans ce parcours entre 2014 et 2020, et l’employeur a perçu en 2019 un regain d’intérêt pour ce dispositif qu’il essaie de promouvoir sur son intranet. Mais également durant des entretiens biennaux, en lien avec des conseils en évolution professionnelle et le compte personnel de formation (CPF).

L’attrait des employeurs et des salariés pour cette voie d’accès aux diplômes semble se raffermir, d’autant que le dispositif a été remis sur le devant de la scène par la loi de 2018 pour la liberté de choisir son avenir professionnel, qui prévoit que tous les titres inscrits au répertoire national des certifications professionnelles doivent désormais proposer ce mode d’obtention. Quoique né de la loi du 17 janvier 2002 de modernisation sociale, c’est donc un « dispositif en devenir », estime Valentin Dubourguier, responsable « emploi formation » chez Nexem, principal représentant des employeurs associatifs du secteur social, médico-social et sanitaire. D’abord, les accords de branche entendent le promouvoir. Ensuite, plusieurs employeurs confient se pencher sur les façons de le développer en interne. Surtout – et cela peut lui garantir une pérennité –, il correspond aux modes d’apprentissage en travail social, y compris dans les parcours d’enseignement initiaux. En effet, ces derniers sont déjà très imprégnés d’un temps passé sur le terrain compte tenu de la place accordée aux stages, précise Denis Dardenne, directeur de formation au sein de l’Iris (Institut de ressources en intervention sociale). Désormais bien ancrée dans le secteur social et médico-social, la validation des acquis de l’expérience ne deviendra pas pour autant un dispositif de formation de masse.

Difficile valorisation postérieure

Un constat qu’il faut relier à sa complexité. La VAE permet désormais la validation totale ou partielle de presque tous les diplômes d’Etat ainsi que d’autres titres et certifications. Elle s’adresse donc, en principe, à tous les professionnels, quel que soit leur niveau initial de qualification, et tout au long de leur carrière. Ainsi APF France handicap utilise-t-elle ce dispositif quatre fois sur cinq pour permettre à des professionnels d’accéder à un premier niveau de qualification, et le reste du temps pour aider à des reconversions d’hommes et de femmes qui risquent sans cela une inaptitude professionnelle du fait de la survenue d’un handicap.

La VAE déploie ses effets de validation à compter d’un an d’exercice de la profession (contre trois ans auparavant) et nécessite un très important travail personnel de mise à plat de ses pratiques et d’écriture (voir ce numéro, page 10). Pourtant, à l’image d’autres mécanismes de formation, « elle n’est pas toujours bien valorisée ensuite, prévient Mireille Stivala, secrétaire générale de la CGT santé et action sociale, qui défend toutefois avec force cet outil. Tout dépend de l’implication de l’établissement dans ce parcours personnel du salarié, des postes qu’il a ou non à pourvoir… » Grégory Vlamynck, directeur du développement « ressources humaines » à APF France handicap, observe que les professionnels, à l’issue de leur parcours, sont souvent restés dans le même établissement. Des données chiffrées précises manquent sur le devenir des fraîchement diplômés au moyen de la VAE, mais il apparaît que le bénéfice principal tient à la reconnaissance des compétences et à la capacité d’exercer un métier plus qu’aux gains financiers. D’autant que l’ancienneté de la fonction précédente peut ne pas être reprise ou que le changement de profession peut conduire à la perte d’une prime d’internat.

Individualisation de la formation

Pour les structures, aux yeux de Claudine Villain, secrétaire nationale CFDT santé sociaux chargée de la formation professionnelle, la mesure représente « un bon moyen de trouver des solutions aux manques d’effectifs », en particulier en recrutant de façon pérenne et à leur juste prix des « faisant fonction » qui seraient déjà en poste. Un autre connaisseur du secteur, responsable associatif, se montre pour sa part plus sceptique, arguant que, pour les employeurs, la VAE tient surtout de l’affichage et de la marque employeur et que les salariés ont peu de valorisation immédiate à espérer. D’autant, ajoute-t-il, que certaines agences régionales de santé incitent à ne pas recruter que des personnes diplômées. Avant d’asséner que la validation des acquis de l’expérience ne permettra jamais d’affronter les pénuries de professionnels de rééducation ou de médecins.

Quelle que soit la perception du dispositif par nos interlocuteurs, tous s’accordent à voir dans la validation des acquis de l’expérience – démarche très personnelle et chronophage pour le professionnel qui entame un tel parcours – une individualisation de la formation. « Cela s’inscrit bien dans l’idée de formation tout au long de la vie, indique Maryse Bastin, directrice générale d’Ocellia, école des métiers en santé et social en Auvergne-Rhône-Alpes. De plus en plus, on se formera sur mesure, à la carte, un bloc de compétences obtenu par l’apprentissage, un deuxième via la VAE, un autre encore grâce à la formation initiale. » Il est trop tôt, à ses yeux, pour savoir si un tel morcellement conduira à une dévalorisation des diplômes, mais elle inscrit en tout cas ces évolutions dans ce qu’elle qualifie de « tendance libérale ». Avant d’ajouter que ces dispositifs se révèlent de toute façon plus appropriés que des formations accélérées de seulement quelques semaines.

Fervents partisans et observateurs davantage réservés de la validation des acquis de l’expérience se rejoignent sur quelques évolutions nécessaires. D’abord, sur l’augmentation du nombre d’heures d’accompagnement. Légalement, il est aujourd’hui fixé à 24, même si, dans le travail social, un dispositif spécifique de branche existe (voir encadré page 10). Hélène Lemasson-Godin, directrice des relations sociales et ressources humaines réseau à l’UNA (Union nationale de l’aide à domicile), aimerait par ailleurs voir la place de l’écrit perdre en importance et celle de la pratique en gagner. Enfin, prévoit Denis Dardenne autant qu’il l’espère, des liens devraient à court terme se tisser entre la VAE et l’action de formation en situation de travail (Afest), telle que redéfinie par la loi de 2018.

La VAE en quelques chiffres

• 5 574 parcours de VAE ont été réalisés en 2019 dans le secteur social et médico-social, dont 918 en Ile-de-France et 789 en Auvergne-Rhône-Alpes. Nombreuses sont les régions à en comptabiliser autour de 500, dont le Grand Est, l’Occitanie et la Provence-Alpes-Côte d’Azur.

• 1 691 diplômes d’éducateur spécialisé ont été décrochés – l’un des effectifs les plus importants avec celui d’accompagnant éducatif et social (AES) ;

• 15 diplômes d’Etat en ingénierie sociale ont été validés, soit en coopération entre universités et établissements de formation en travail social ;

• 22 743 personnes ont été diplômées en 2019 sans recourir à la VAE.

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