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Le vaccin de la peur

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J’aime bien Sonia. Parce qu’elle est toujours de bonne humeur, même avant le café du matin. Parce qu’elle parle tout doucement. Parce qu’elle amène du kouign-amann le week-end… Et elle fait beaucoup de week-ends !

Les résidents aiment bien Sonia. Parce qu’elle a des gestes aussi doux que sa voix. Parce qu’elle a toujours une petite attention pour chacun. Parce qu’elle sait manier le silence aussi bien que les mots.

La cadre aime bien Sonia. Parce qu’elle peut improviser une animation en un rien de temps avec un zeste de budget. Parce qu’elle connaît le service par cœur. Parce qu’elle est toujours dispo pour dépanner les collègues.

Bref, tout le monde aime Sonia. Et Sonia aime tout le monde : ses collègues, les résidents, les familles, la boulangère et son voisin.

Mais, ce matin, Sonia n’a ni humour ni douceur. Ce matin, Sonia en veut à la terre entière : aux collègues aux résidents aux familles à la cadre et au gouvernement ! Et ni le planning en gruyère ni le café trop amer n’en sont la cause. Ce matin, Sonia panique, pleure et fulmine à cause du vaccin obligatoire.

Nous, on se moque gentiment. Le vaccin, on l’a tous fait, et il ne s’est rien passé. Pas de bras devenu mystérieusement magnétique, pas d’antenne 5G surgissant d’entre les omoplates, pas de mort subite inexpliquée. Rien, nada, nichts, niente !

Mais Sonia, elle doute encore, c’est trop rapide tout ça, le virus lointain puis tout proche, la première vague et les autres, les masques inexistants, les sacs-poubelle, les applaudissements, les morts, les housses, les masques obligatoires, les morts encore, et ce vaccin comme un lapin sorti du chapeau, presque trop beau pour être vrai.

Nous, on argumente gentiment. Le vaccin nous protège, il faut sortir de cette pandémie, de toute façon pas le choix, pas de vaccin pas de boulot, pas de boulot pas de salaire, pas de salaire ? la misère.

« Et les effets à long terme ? Et l’obligation vaccinale pour les uns mais pas pour les autres ? », nous rétorque Sonia, excédée.

Nous, on est à court d’arguments. Le Covid, on l’a vu de (trop) près, et c’était pas beau à voir. La peur, l’asphyxie, et nous, impuissants, qui les regardions mourir. On ne veut pas le revivre. Sonia non plus n’a pas oublié. L’agonie, le dernier souffle, les gestes mortuaires, encore et encore. Mais elle n’oublie pas non plus les applaudissements, les soignants héros et les belles promesses. Et maintenant ? Le mépris, l’humiliation, les menaces.

Elle aime tout dans son métier, Sonia : son service les résidents les collègues la douceur du soin le café trop amer et les viennoiseries du dimanche. Même son planning, elle l’aime. Enfin, un peu. Elle aime tout dans son métier, sauf le mépris. Le mépris de tous ces savants sachants qui pérorent en se moquant des autres, leur assurance comme une évidence, et elle qui doute, qui a peur, parce qu’elle ne sait pas, tout simplement.

Alors oui, elle le fera, ce vaccin. Les menaces n’ont pas balayé les doutes, mais elle tient plus à son salaire qu’à leurs réponses. Elle le fera, mais elle n’oubliera pas. Ni sa peur, ni leur mépris.

La minute de Flo

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