C’est une stratégie globale pour aider les personnes handicapées, détaillée sur 120 pages, qui a été dévoilée cet été au Royaume-Uni par le cabinet conservateur de Boris Johnson. Dirigée par l’unité interministérielle du gouvernement pour le handicap, elle promet, grâce à un financement de 1,6 milliard de livres sterling, de réduire l’écart d’emploi avec les valides – actuellement de 28,6 % – et d’augmenter sensiblement le nombre de personnes handicapées employées par les institutions publiques. Sont notamment cités les services de renseignement intérieurs et extérieurs (MI5 et MI6), les militaires civils et les réservistes, ou le GCHQ, l’équivalent britannique de la NSA, l’agence américaine chargée d’espionner le monde entier. De l’autre côté de l’Atlantique, la CIA communique elle aussi déjà depuis plusieurs mois sur sa politique de recrutement plus « inclusive ». Soit l’objectif affiché du ministre britannique des Personnes handicapées, Justin Tomlinson, pour qui la stratégie gouvernementale constitue « une première étape importante alors que nous travaillons vers une société pleinement inclusive » pour les 14 millions de ses concitoyens concernés. Le secteur privé, premier employeur du pays, pourrait quant à lui être contraint d’afficher publiquement le nombre de ses salariés handicapés. Une mesure censée dynamiser les recrutements de ces derniers. D’autres propositions concernent l’habitat, avec 10 % de logements spécifiques construits dans le cadre d’un programme gouvernemental, une amélioration de l’accès aux services ferroviaires, ou la mise en place d’un « passeport d’adaptation de l’accès à l’emploi » pour les personnes passant de la formation au travail.
Il s’agit de « l’effort le plus ambitieux dans ce domaine depuis une génération ou plus », s’est exclamé Boris Johnson, même si de nombreux acteurs associatifs ne partagent pas l’enthousiasme du Premier ministre. La stratégie est « décevante en termes d’actions immédiates, de plans à moyen terme et de détails d’investissements à plus longue échéance », a par exemple réagi Kamran Mallick, directeur général de l’organisation caritative Disability Rights UK, cité par le quotidien britannique The Guardian. Le document prévoit un processus d’évaluation annuelle pour tous les ministères, et « nous serons tenus de rendre compte des promesses que nous avons faites », avertit Justin Tomlinson. C’est pourtant précisément le manque d’engagement ferme que fustige Kevin Shinkwin, membre de la majorité conservatrice, qui préside une commission sur les personnes handicapées pour le groupe de réflexion du Center for Social Justice. Pour ce dernier, le gouvernement Johnson n’a pas suffisamment pris en compte la parole des publics concernés ni celle des associations défendant les droits des personnes handicapées. C’est par exemple le cas de la Fédération nationale des aveugles du Royaume-Uni, qui a fustigé le processus de consultation et appelé Justin Tomlinson à la démission. « Comment pouvez-vous avoir un ministre qui utilise des données fondamentalement erronées pour formuler une politique qui affectera la vie des personnes handicapées pendant une génération ? », s’interroge son président Andrew Hodgson. « Produire une stratégie pour les personnes handicapées sans un engagement approprié est inacceptable », renchérit Kamran Mallick, toujours cité par The Guardian, alors que des éléments clés de la consultation n’étaient tout simplement pas accessibles, par exemple pour ceux qui communiquent en utilisant la langue des signes.
Des critiques fermement rejetées par le gouvernement, l’un de ses porte-parole estimant que « cela a été le plus grand exercice d’écoute sur la politique du handicap de l’histoire récente. Et cela signifie que [notre] stratégie est une réponse pratique aux problèmes auxquels les personnes handicapées sont confrontées dans leur vie quotidienne. »