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Un dispositif plébiscité par les acteurs du social

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Parfois accusé de constituer une main-d’œuvre à bas coût, le service civique offre une expérience d’engagement pour tous les jeunes, en particulier les plus défavorisés. Lorsque les missions sont bien définies, il bénéficie autant aux volontaires qu’aux structures.

Il aura fallu une crise sanitaire pour relancer la dynamique entourant le service civique. En annonçant, en juillet 2020, la création de 100 000 missions supplémentaires par an, accompagnée d’une hausse de budget de 360 millions, le gouvernement a porté l’objectif, pour l’année 2021, à quelque 245 000 contrats. A mi-parcours, 50 % d’entre eux avaient été signés. Une ambition réelle mais toute relative si l’on considère les objectifs fixés en 2015. Au lendemain des attentats de Charlie Hebdo, François Hollande avait promis une montée en charge. Le service civique devait concerner 350 000 jeunes en 2018, soit la moitié d’une classe d’âge, et être généralisé, d’ici 2020, à tous ceux qui le souhaitent. L’idée a été, depuis, enterrée. Pourtant, le succès ne se dément pas, l’Agence du service civique dénombrant encore trois demandes pour une seule offre. « A l’approche de l’élection présidentielle, j’espère qu’un candidat se prononcera pour cette généralisation, lâche Jean-François Serres, co-rapporteur, en 2017, du rapport du Conseil économique, social et environnemental (Cese) sur le service civique. Il est regrettable de constater que les gouvernements ont rarement des politiques durables de fraternité. Ils investissent au moment de la crise, puis cessent de la développer. Il faut sortir de ces politiques de “stop and go”. Le service civique aurait notamment été efficace, lors du premier confinement, pour renforcer les solidarités de proximité et lutter contre l’isolement. »

Instauré par la loi du 10 mars 2010, le service civique permet à des jeunes de 16 à 25 ans – et jusqu’à 30 ans pour les personnes en situation de handicap –, de réaliser, de manière volontaire, une mission d’intérêt général dans un des neuf domaines reconnus « prioritaires pour la Nation ». D’une durée de 6 à 12 mois, il garantit une indemnité de 580 € net par mois (majorée de 107 € sur critères sociaux), financée par l’Etat à hauteur de 473 € et par la structure d’accueil qui prend en charge 107 €. Le service civique n’est donc ni du bénévolat, ni du salariat. « Les missions doivent être complémentaires des activités de l’organisation pour apporter un appui aux professionnels et aux bénévoles », souligne Hubert Pénicaud, responsable de l’engagement citoyen à Aurore.

Missions de terrain

Les missions les plus pertinentes sont à ses yeux nécessairement en lien avec le public. « Il peut s’agir d’accompagner des personnes lors de sorties culturelles, d’effectuer des visites pour rompre l’isolement, d’aider les personnes à faire des courses ou à utiliser le numérique, énumère le responsable d’Aurore. Et dans le meilleur des cas, les jeunes peuvent être force de propositions. » A l’Apajh (Association pour adultes et jeunes handicapés), les missions ont également été ciblées autour de l’accompagnement. « Nous proposons par exemple d’aider les personnes accueillies à exercer leur citoyenneté, explique son directeur général Jean-Louis Leduc. Nous sommes attentifs à proposer une mission avec du sens et une temporalité raisonnable. »

Dans sa philosophie, le service civique est salué par tous. D’abord, par le pionnier du dispositif, Unis-Cité, qui a expérimenté dès 1995 des formes de volontariat civil. « On dresse un bilan au-delà de nos espoirs, s’enthousiasme sa présidente Marie Trellu-Kane. Il conduit des jeunes qui ne s’engageaient pas à prendre conscience de leur rôle dans la société. » Utile, le service civique l’est d’abord pour ses bénéficiaires. C’est en substance ce que relevait le rapport du Cese de 2017. « Les jeunes qui l’expérimentent en sortent transformés, estime Jean-François Serres. Ils vivent une expérience qui les construit et nourrit leur réflexion. Et ils touchent du doigt ce que signifie être citoyen, en rencontrant des acteurs du vivre-ensemble. » Jean-Louis Leduc souligne lui aussi de « belles réussites » : « Pour certains, le service civique a constitué un déclic qui leur a permis de s’engager dans un parcours de formation et de rejoindre le secteur du handicap et des personnes âgées. D’autres ont révélé des capacités à porter des actions et des projets qui sont porteurs de sens pour eux et pour les personnes en situation de handicap. » Utile, le service civique l’est également pour les structures. « Les associations sont contraintes d’organiser l’accueil de jeunes qui n’ont pas forcément une culture solide de l’engagement, et de construire des missions qui leur conviendront. Leur regard peut obliger les structures à actualiser leurs modes d’accueil », estime Jean-François Serres, qui note aussi un apport pour les publics accueillis. « Les volontaires ne sont pas des professionnels mais des citoyens. Ils s’inscrivent dans une relation horizontale avec les publics très intéressante. »

Difficile chiffrage des dérives

L’idée est sans conteste belle. Mais elle ne prémunit pas contre le risque d’emplois déguisés. C’est l’une des critiques régulièrement formulée. Dans une émission diffusée en décembre 2020 sur France 2, Cash Investigation documentait les abus de certaines administrations. Pôle emploi y était accusé d’avoir engagé des services civiques comme une main-d’œuvre à bas coût, occupant de véritables fonctions. En 2017, le Cese avait pointé la nécessité de renforcer les contrôles. « A l’époque, ce risque d’abus était réel : le secteur public expérimentait le dispositif, le gouvernement voulait des chiffres, explique Jean-François Serres. Aujourd’hui, tous se sont approprié cette nouvelle opportunité. Les dérives sont minimes : l’Agence du service civique a non seulement accentué les contrôles, mais elle a aussi gagné en savoir-faire pour aider les structures à mieux identifier ce qui relève ou non du service civique. » S’il est impossible de chiffrer les abus, Marie Trellu-Kane, à Unis-Cité, veut tordre le cou elle aussi à cette idée d’un service dévoyé. « Il est injuste de pointer 2 % des missions pour disqualifier un dispositif qui a fait ses preuves. » En réponse, Unis-Cité, avec un collectif d’associations, a rédigé un rapport, qui doit être rendu public courant octobre, pour valoriser les bonnes pratiques identifiées dans les services publics, les collectivités territoriales et au niveau de l’Etat.

Les associations du secteur, pour la plupart, veillent à garantir la qualité des missions. A l’image du Secours catholique, qui engage chaque année 70 à 80 volontaires. « Chaque délégation mène son recrutement. Mais je rappelle les règles : il doit s’effectuer sur la motivation et non sur les compétences du jeune. Je vérifie que le projet et l’annonce, obligatoirement publiée sur le site de l’Agence du service civique, entrent dans le cadre du dispositif, explique Bérengère Pichelin, chargée d’animation volontariat. On organise des sessions d’accueil sur deux ou trois jours lors desquelles on travaille avec les jeunes sur leurs missions. On leur explique comment fonctionne une délégation, on organise des rencontres en essayant de créer une dynamique de volontaires. » En plus des formations citoyennes et de premiers secours, obligatoires, les jeunes bénéficient d’une session de bilan pour travailler sur les savoir-faire et savoir-être acquis.

Signe de l’intérêt du dispositif, les indicateurs relevés dans le rapport de l’Agence du service civique publié cet été sont probants. 91 % des jeunes se disent satisfaits de leur expérience. Et la mixité sociale est loin d’être une incantation : le dispositif concerne autant des demandeurs d’emploi (39 %) que des inactifs (26 %), des non-bacheliers (22 %) que des étudiants (39 %). Les jeunes issus des quartiers prioritaires de la politique de la ville, qui constituent plus de 12 % des volontaires, sont même surreprésentés. Si les voyants sont au vert, les associations restent vigilantes. L’an dernier, les budgets de l’Agence du service civique n’avaient pas augmenté en proportion des objectifs quantitatifs fixés, obligeant les structures à réduire la durée des missions. Il aura fallu une crise sanitaire pour revoir à la hausse les financements. Mais jusqu’à quand ?

Une dynamique auprès des seniors

Lancé en mars 2021, le service civique solidarités seniors (SC2S) est né sous l’impulsion d’Unis-Cité et du groupe Malakoff Humanis, avec la mobilisation de l’Etat et des acteurs du grand âge. L’objectif d’ici 2023 ? Engager 10 000 jeunes pour accompagner 200 000 personnes âgées par an, en établissement ou à domicile. « L’idée est de développer un dispositif de qualité comprenant des formations sur la citoyenneté et sur la posture à adopter en matière de prise en charge des personnes âgées, explique le vice-président du SC2S, Jean-François Serres. Le SC2S participe de cette nécessité de développer des logiques citoyennes, complémentaires de l’offre sanitaire et médico-sociale, qui manquera toujours d’humanité. La perte d’autonomie et l’isolement social sont des questions sociétales, pas seulement médicales. »

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