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Pour une discipline « sciences humaines et sociales – travail social »

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Cette semaine, la tribune des ASH relaie le manifeste d’un collectif de chercheurs et universitaires qui réclame l’institution dans le champ de la formation d’une nouvelle discipline au croisement du travail social et des sciences humaines et sociales.

« Au moment où les formations en travail social s’inscrivent officiellement dans l’espace de l’enseignement supérieur à l’échelle nationale et internationale, nous considérons aujourd’hui essentiel d’instituer une nouvelle discipline “sciences humaines et sociales – travail social” s’inscrivant dans un processus de renforcement des coopérations entre établissements de formation en travail social (EFTS) et universités.

Elle affirmera des valeurs de référence :

– des principes éthiques et déontologiques d’émancipation propres au travail social et à la Charte internationale des droits de l’Homme ainsi qu’à la Charte sociale européenne ;

– le respect de la laïcité ;

– l’orientation des formations professionnelles et de la recherche vers l’exercice d’un travail social émancipateur ;

– l’ancrage de la formation en travail social dans la réflexion et l’action, en référence à la pédagogie de l’“alternance intégrative” ;

– la garantie, quel que soit le métier exercé, d’un socle commun de connaissances et de compétences partagées par tout travailleur social inscrit dans la définition du travail social présente dans le code de l’action sociale et des familles.

Nos objectifs visent à renforcer l’autonomie de réflexion et d’action des acteurs de la formation et de la recherche engagés dans l’espace de formation en travail social et de l’enseignement supérieur :

1. Par la reconnaissance des EFTS, dont le défi est, d’une part, d’offrir des parcours de formation professionnelle depuis le niveau 1 jusqu’au niveau 7 et, d’autre part, de s’inscrire dans l’espace de la recherche et de l’enseignement supérieur régional, national et international.

2. Par un rapprochement solide et équilibré entre EFTS et universités pour développer des coopérations et la mutualisation des expertises et des savoir-faire respectifs ; puis créer des passerelles entre parcours de formation sociale et universitaire par la bidiplômation ou la codiplômation lorsque c’est possible.

3. Par un renforcement de la qualification pédagogique et de recherche de l’ensemble des formateurs en travail social : structurer la place de la pédagogie par la recherche dans les formations.

4. Par l’émergence d’un statut de formateur-chercheur dans les établissements de formation reconnu par l’Etat et les conventions collectives.

5. Par le renforcement des liens de coopération et de coconstruction pédagogique avec les milieux professionnels et les sites qualifiants par la construction d’un réseau partenarial d’engagements réciproques dans une perspective d’alternance intégrative.

6. Par la consolidation des liens de coopération et de partenariat avec les organismes, les institutions et les associations qui partagent les valeurs propres au travail social.

Nos objectifs visent à faciliter des processus des formations ouvertes aux pédagogies nouvelles et émancipatrices :

7. En favorisant les passerelles entre les parcours universitaires et professionnels ainsi que les échanges pédagogiques régionaux et internationaux des étudiants et des intervenants sociaux.

8. En intégrant les formations sociales au processus LMD (licence-master-doctorat), tout en conservant des diplômes d’Etat référencés par les différents ministères, dont ceux des Affaires sociales, de la Santé et de l’Education nationale, de la Jeunesse et des Sports. Il s’agit de conforter l’existence de certifications en travail social inscrites dans le système LMD du “processus de Bologne” visant à traduire les singularités du travail social. Dans le prolongement de cette mesure, il convient de conférer le grade de master aux diplômes professionnels supérieurs, dans le prolongement de l’obligation de coopération qui existe déjà pour le diplôme d’Etat d’ingénierie sociale (DEIS).

9. En adoptant une architecture des formations (diplômantes et/ou certifiantes) du niveau 1 au niveau 7, favorisant le décloisonnement des métiers du travail social et renforçant la mobilité professionnelle par le développement de la formation continue et de la validation des acquis de l’expérience (VAE).

10. En développant la formation ouverte et à distance (FOAD), dont notamment l’appui numérique aux apprentissages.

11. En affirmant la place centrale de l’apprenant dans le processus de formation en favorisant l’autoformation comme moyen de développer des apprentissages autonomes et l’ouverture culturelle des étudiants (prise en compte de la diversité des acquis expérientiels, professionnels et formatifs). Nos objectifs visent à augmenter les capacités réflexives et d’action des acteurs du champ social par le développement de la recherche en sciences humaines et sociales dans la formation et l’animation des milieux professionnels :

– par la constitution ou la consolidation d’espaces de travail collaboratifs d’un point de vue pédagogique et de recherche entre enseignants-chercheurs universitaires et formateurs des EFTS ;

– par l’institutionnalisation d’espaces de rencontre et de production des savoirs qui soient reconnus et financés de façon pérenne par les pouvoirs publics (Etat et régions) ;

– par la légitimation des EFTS comme producteurs de savoirs scientifiques et praxéologiques par l’octroi de moyens dédiés à la recherche afin que ces établissements de formation contribuent à l’amélioration de la formation des étudiants en travail social par l’apprentissage de la recherche par la recherche, dans une relation partenariale et de réciprocité avec les universités.

12. La mise en place d’un doctorat spécialement conçu à l’intersection, d’une part, des sciences humaines et sociales et, d’autre part, du travail social et de l’intervention sociale est une condition essentielle pour que les liens entre formation et recherche puissent être mieux reconnus.

En définitive, l’augmentation du niveau de qualification des travailleurs sociaux, acteurs centraux de l’intégration et de la cohésion sociale nationale et régionale, nécessite d’accroître des dynamiques de travail partenarial équitables et équilibrées entre les mondes des écoles professionnelles du travail social et des universités, ce qui appelle à faire évoluer la législation en cours en matière de formation des travailleurs sociaux dans les régions :

– en faisant en sorte que le financement de la “mission de recherche” assumée par les IRTS ou les EFTS de taille équivalente devienne une obligation réglementaire pour les régions en charge du financement des formations sociales supérieures dans les territoires ;

– en soutenant l’inscription des formateurs en travail social préparant des diplômes et qualifications supérieurs du travail social dans un parcours de formation doctorale.

Notre objectif est de construire un espace d’inter­reconnaissance composé de chercheurs, d’enseignants-chercheurs et de formateurs-chercheurs issus des universités et des écoles du travail social, mais aussi, dans certaines situations, des milieux professionnels, tous reconnus par leurs pairs pour leurs capacités à produire des connaissances en mobilisant des techniques de recherche pour penser et agir dans le champ social. Cet espace vise, en effet, à réunir des acteurs-chercheurs promouvant l’étude rigoureuse (respect d’un cadre épistémologique, d’étapes et de méthodes de recherche reconnues) des pratiques de l’intervention sociale en situation (enjeux politiques, sociaux, culturels, éthiques, déontologiques), dans l’objectif d’améliorer la formation en travail social.

La construction de cet espace académique doit pouvoir rassembler des acteurs-chercheurs désireux de développer par la recherche des pratiques réflexives d’intervention sociale productrices d’innovation sociale dans les milieux professionnels, avec les acteurs sociaux et les citoyens. L’enjeu principal de cet espace académique est alors triple :

– faire en sorte que les pouvoirs publics en charge de la recherche et de l’enseignement supérieur réunissent les conditions financières, administratives et académiques nécessaires à l’édification de cet espace en sciences humaines et sociales ouvert aux chercheurs professionnels des universités et des établissements de formation en travail social ;

– institutionnaliser le financement public de postes de formateurs-chercheurs qualifiés en sciences humaines et sociales au sein des instituts de formation en travail social ;

– constituer une section “CNU” (Conseil national des universités) propre au travail social et à l’intervention sociale, nécessairement pluridisciplinaire (sociologie, psychologie, ethnologie, sciences de l’éducation…), devant permettre la reconnaissance pleine et entière du travail social comme nouvel espace académique autonome. »

Contact : emmanuel.jovelin@lecnam.net

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