Recevoir la newsletter

Routine

Article réservé aux abonnés

Sur la Côte d’Opale, l’été touche à sa fin. Entre les camions circulant sur l’A16, les vacanciers repartent, coffres sur le toit et fenêtres ouvertes. Ils se préparent tous, chez eux, à une rentrée « normale ». Sur la départementale qui relie le centre de Calais à sa périphérie, seules quelques âmes qui marchent rappellent qu’une même routine singulière se rejoue inlassablement depuis trente ans. Des hommes, des femmes et des enfants qui arrivent ici après un voyage souvent long et périlleux depuis la Syrie, l’Erythrée, le Soudan, l’Afghanistan ou encore l’Irak. Ils marchent sur le bord de la route et, sur leurs pas, les regards ne se tournent même plus. Ou on les croit bien vite méfiants. Cet été, le nombre de passages en camion s’est tari avec l’arrivée de renforts policiers. Avec les beaux jours, les passages en bateau se sont multipliés.

La cité calaisienne, qui abritait en 2016 l’un des plus grands campements de réfugiés d’Europe, n’a plus rien de comparable avec la ville d’alors. Le 24 octobre de cette année-là, au petit matin, la police évacuait la « jungle » sur ordre du ministre de l’Intérieur Bernard Cazeneuve et sous les yeux de près de 600 journalistes du monde entier, accrédités pour couvrir cette opération d’envergure. Six mille personnes y survivaient. Hormis les barbelés et les lambeaux de vêtements qui y sont accrochés, les murs hauts de plusieurs mètres qui ceinturent les stations-service, les caméras et les gyrophares illuminant de nuit la route qui mène au tunnel sous la Manche, tout ici semblerait normal. Presque paisible. Et pourtant.

Sur une plage encore déserte, un nageur téméraire plonge dans les eaux troubles et fraîches de la Manche. A quelques kilomètres de là, dans le hangar des associations qui œuvrent ici, quelques bénévoles aux yeux cernés chargent un utilitaire dont on se demande comment il peut encore passer le contrôle technique. Quelques couvertures, des chaussettes sèches, de grandes Thermos de café, intriquées comme un Tetris hasardeux. Ils n’ont presque plus de tentes à donner. C’est un matin comme un autre qui commence. Une tournée comme une autre des discrets petits campements planqués aux abords de la commune. Alors qu’ils prennent la route, une dizaine de fourgons de police et de gendarmerie partent des commissariats et hôtels des environs. Les forces de l’ordre entament, elles aussi, leur tournée matinale. Les missions sont un peu différentes. Les uns expulsent de leurs abris de fortune les exilés qui dorment d’un sommeil léger, les autres leur apportent de quoi tenir, ne pas lâcher, ne pas sombrer.

Tous les deux jours, ici, c’est la norme. Pour les préfets du Nord et du Pas-de-Calais, il s’agit d’une « politique de non-fixation » assumée. Bénévoles et exilés n’y voient eux qu’une politique de harcèlement visant à les épuiser et à les décourager de tout passage. Ce soir, tout le monde s’endormira « chez soi ». Les exilés sous leurs tentes, les bénévoles dans leurs colocations, les policiers et gendarmes dans leurs hôtels. Comme hier soir.

Et demain ?

Une saison en migrations

S'abonner
Div qui contient le message d'alerte
Se connecter

Identifiez-vous

Champ obligatoire Mot de passe obligatoire
Mot de passe oublié

Vous êtes abonné, mais vous n'avez pas vos identifiants pour le site ?

Contactez le service client 01.40.05.23.15

par mail

Recruteurs

Rendez-vous sur votre espace recruteur.

Espace recruteur