Les États-Unis ont prévenu : la date butoir du retrait d’Afghanistan, fixée au 31 août, ne sera pas reportée, sauf s’il reste encore des citoyens nationaux à évacuer. Une décision qui inquiète de nombreuses ONG. « Nous espérons que le président Biden annoncera un report du départ des forces américaines, pour que davantage d’Afghans puissent être évacués », a déclaré Sarah Holewinski, directrice du bureau de Washington de Human Rights Watch, lors d’une conférence de presse à laquelle participait également Shaharzad Akbar, présidente de la Commission indépendante des droits humains d’Afghanistan. « La crainte, c’est qu’aussitôt que les étrangers, que les Occidentaux seront évacués, l’aéroport sera remis aux talibans et les gens se retrouveront à leur merci. Il y aura un massacre », prévient-elle. Trente employés de son organisation, disposant de tous les documents nécessaires pour quitter le pays, ne seraient même pas parvenus à rentrer dans l’enceinte de l’aéroport. « Nous recevons des dizaines et des dizaines de demandes d’évacuation urgente. Notre problème n’est pas d’obtenir des visas ou des places dans les avions, c’est d’obtenir que ces personnes puissent accéder aux avions », confirme Christophe Deloire, secrétaire général de Reporters sans Frontières, qui demande à la Maison Blanche « un plan spécial pour l’évacuation des journalistes et des défenseurs des droits de l’Homme afghans ».
De nombreux cas d’assassinats et de disparitions imputables aux talibans sont rapportés par des médias locaux et étrangers, visant avant tout ceux, ainsi que leur famille, que les fondamentalistes accusent d’avoir « collaboré » avec les puissances occupantes. Les nouveaux maîtres de Kaboul ont pourtant promis une amnistie générale pour tous les fonctionnaires d’Etat, tout en s’engageant à être « inclusifs » (sic) et à garantir aux femmes un certain nombre de droits dont elles étaient privées de 1996 à 2001, période pendant laquelle ils avaient déjà exercé le pouvoir, comme celui de travailler ou d’aller à l’école.
Derrière l’opération de communication déployée par les gouvernements occidentaux, Etats-Unis en tête, se profile une évacuation a minima. Et une gestion pour le moins ubuesque des flux de réfugiés. S’inspirant des dérives constatées au Danemark et en Grande-Bretagne, qui tentent de sous-traiter l’accueil de leurs réfugiés potentiels par des pays étrangers(1), les Etats-Unis ont demandé à plusieurs nations, dont l’Ouganda, l’Albanie ou le Kosovo, de fournir un refuge temporaire – mais qui pourrait durer une année – aux centaines d’Afghans en route vers les Etats-Unis. « A la suite des événements en Afghanistan, le gouvernement [américain] a contacté plusieurs de ses partenaires internationaux, dont l’Ouganda, pour aider dans la probable nécessité d’héberger temporairement certains Afghans et citoyens internationaux qui pourraient être évacués », confirme le ministère des Affaires étrangères à Kampala.
D’autres chancelleries occidentales mettent encore moins de formes et vont plus loin. Le ministre autrichien de l’Intérieur entend ainsi accentuer la pression sur l’Union européenne pour qu’elle contribue à la mise en place de « centres de rétention » dans les pays voisins de l’Afghanistan pour y détenir les Afghans expulsés du Vieux continent. « Nous avons besoin de ces centres pour qu’il soit toujours possible d’expulser ceux à qui nous avons refusé la demande d’asile ou les réfugiés violents », ajoute Karl Nehammer. Une exigence qui survient au moment où des ONG et le Haut-Commissariat de l’ONU pour les réfugiés (HCR) insistent pour que soient interdits ces renvois forcés, qui pourraient être synonymes de condamnation à mort pour ceux qui seraient à terme expulsés vers Kaboul aux mains des talibans.