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Un outil plébiscité par les travailleurs sociaux

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La médiation animale, ou zoothérapie, a le vent en poupe au sein des établissements médico-sociaux. Théorisée au mitan du XXe siècle, cette pratique a démontré ses bienfaits sur les publics auxquels elle s’adresse. Etat des lieux d’une méthode de plus en plus populaire mais aux contours encore flous.

Près de 400 demandes de fi­nancement en 2020, contre seulement 15 en 2003. La Fondation Adrienne et Pierre Sommer, qui promeut la médiation animale depuis sa création il y a cinquante ans, enregistre une explosion des requêtes d’établissements médico-sociaux, sanitaires et carcéraux ainsi que de villes et d’écoles qui veulent intégrer des projets de ce type à leurs activités. Fondée sur les relations millénaires entre les humains et certains animaux, la médiation animale, ou zoothérapie, est une méthode avec des objectifs thérapeutiques, éducatifs ou préventifs qui fait intervenir un professionnel de l’humain, lequel travaille auprès de personnes en difficulté ou ayant des besoins particuliers. « L’animal est un médiateur, en général spécifiquement éduqué pour ce genre de travail. Il accompagne la démarche de l’humain, qu’il soit travailleur social ou soignant. L’animal suscite des réactions, par son comportement grégaire, archaïque, que l’humain n’arrive pas à générer automatiquement », pose d’emblée Boris Albrecht, directeur de la Fondation Adrienne et Pierre Sommer.

« Réactiver le désir de vie »

Cette pratique a commencé à être théorisée dans les années 1950 aux Etats-Unis par le pédopsychiatre Boris Levinson et, dans la foulée, en France par le vétérinaire Ange Condoret, tous deux ayant constaté les effets bénéfiques de la présence de chiens auprès d’enfants souffrant notamment de troubles du langage. Aujourd’hui, elle est principalement mise en œuvre avec des chevaux et des chiens, auprès de publics extrêmement variés : des Ehpad aux crèches, des prisons aux instituts médico-éducatifs (IME) ou aux maisons d’accueil spécialisées (MAS), sans oublier de nombreux hôpitaux.

Aide médico-psychologique (AMP) à la MAS Terra Nova de Biard (Vienne), Cécile Denis a introduit la médiation animale dans l’établissement il y a sept ans. Les bienfaits d’une séance avec les chiens sont immédiats pour les patients, tous polyhandicapés et très déficitaires aux niveaux moteur et psychique : « Les personnes qui ont d’habitude du mal à déglutir, à s’alimenter, mangent beaucoup mieux après une séance, détaille-t-elle. On relève aussi des effets bénéfiques sur des personnes crispées ou qui ont des problèmes de gestion émotionnelle. Certains patients arrivent en séance de médiation animale dans un état proche de la crise de nerfs et en ressortent complètement détendus. La plupart du temps, les résidents calent leur respiration sur celle de l’animal. Le chien et le résident ne font plus qu’un, c’est extrêmement apaisant. » Seul bémol : « Les résultats sont visibles le soir de la séance et la nuit qui suit, mais ensuite les pathologies reprennent le dessus. Les handicaps ici sont tellement lourds qu’il faudrait des chiens tout le temps. »

L’AMP a instauré des rituels qui aident les patients à se créer des repères pendant la séance : un chien en peluche équipé d’une clochette et d’un contacteur pour lequel un aboiement a été enregistré marque le début de la séance et l’arrivée de l’intervenante et de ses chiens, tandis que l’aboiement d’un des chiens en signale la fin. Des tables ou des estrades sont installées à côté des patients : certains aiment que le chien s’allonge à côté d’eux, d’autres souhaitent qu’il monte sur leurs genoux. En sept ans, seule une patiente a refusé le contact avec les chiens, tous les autres résidents ont pris part aux séances. « Dès la première session, il se passe quelque chose entre les résidents et les chiens. On voit tout de suite avec quel animal le résident va travailler », ajoute Cécile Denis.

« L’animal est le médian », insiste Isabelle Claude, fondatrice de l’association Equitaide, implantée en Lorraine, qui développe la pratique de l’« équicie », un terme qu’elle a spécialement créé en 2010. Elle revendique un « accompagnement des personnes » grâce au cheval, et non un « soin ». « Travailler avec des animaux dans le champ de la médiation permet de passer par un autre vecteur que son miroir humain et d’aller voir ce que nous renvoie l’animal de notre propre comportement, explique-t-elle. L’“équicien” est le professionnel capable de comprendre le langage animal, le langage humain, et de voir la manière dont va pouvoir tisser le lien qui va réactiver un désir de vie. »

En plus des effets soulageants que peut susciter la présence de l’animal auprès des bénéficiaires, les professionnels médico-sociaux constatent des progrès qui leur permettent d’aiguiller leur suivi des patients, la médiation animale agissant comme un révélateur de potentiel. « On voit certains résidents déplier leur bras pour la première fois afin de caresser le chien, c’est très impressionnant, raconte Cécile Denis. On observe des capacités physiques qu’on ne soupçonnait pas auparavant chez le résident, et les limites restantes. Pour travailler ensuite avec eux sur leurs difficultés. » L’IME Les Vallées, à Brunoy (Essonne), qui accueille des jeunes de 12 à 20 ans présentant des troubles du spectre de l’autisme ou de déficit de l’attention, a expérimenté depuis septembre 2020 l’équithérapie pour une vingtaine de jeunes, chacun ayant bénéficié au long de l’année scolaire d’une dizaine de séances au centre équestre situé à proximité. Anouck Justafré, directrice adjointe de l’établissement, ne cache pas son enthousiasme : « Les jeunes qui ont bénéficié de ces séances ont réalisé des pas de géant. L’effet de l’animal est magique. C’est extraordinaire de voir des jeunes qu’on ne peut pas toucher accepter l’animal, cela montre qu’il y a des potentiels énormes avec eux. Si l’on arrive à aménager l’environnement et à leur donner des clés, ces jeunes peuvent progresser. C’est incroyable, la capacité d’un animal à révéler ce potentiel. » Travailler avec un cheval a en particulier permis aux jeunes de mieux gérer leurs émotions : « Ils ont appris à canaliser leur anxiété, à accepter les ressentis des autres », ajoute Anouck Justafré.

Animaux et professionnels choisis

Tous les animaux ne se prêtent pas au travail de médiation. Les chiens et les chevaux constituent l’essentiel des espèces sollicitées. Ils peuvent être accompagnés de rongeurs domestiques (lapins, cochons d’Inde, etc.). Avant tout, ces animaux doivent être spécialement éduqués pour la médiation animale. Pendant l’intégralité de la séance, l’intervenant doit être vigilant à la fois aux réactions des bénéficiaires et aux besoins de l’animal. Isabelle Dangiers précise : « Le chien est une éponge émotionnelle, c’est pour cela que je travaille avec plusieurs canidés, pour que l’un se repose pendant que l’autre travaille. Il peut y avoir des mouvements brusques, des résidents qui serrent trop fort pour faire un câlin ou mordent pour faire un bisou. Il faut être très attentif, car l’animal est là pour donner du plaisir, mais cela ne peut pas se produire à son détriment. Il faut très bien connaître le comportement du chien et savoir interpréter les signes qu’il envoie : quand il bâille ou se lèche la truffe plusieurs fois, cela veut dire qu’il en a marre, il faut le laisser tranquille, sans quoi il peut développer des troubles du comportement. »

En plus de la formation des animaux, un projet doit être élaboré en amont entre l’intervenant et le personnel médico-social afin de définir les objectifs à atteindre pour chaque bénéficiaire. « Si le projet est bien préparé en amont – en général sur un an et demi à deux ans –, cela décuple les effets positifs au sein d’un établissement et génère des répercussions sur l’ensemble des gens : bénéficiaires et personnes qui y travaillent. Il va y avoir un apaisement des tensions, plus de fluidité. A l’inverse, un projet mal anticipé cristallisera les tensions au risque de faire imploser une structure », prévient Boris Albrecht, de la Fondation Adrienne et Pierre Sommer.

La profession manque encore cruellement de structuration. « N’importe qui peut s’autoproclamer zoothérapeute et mettre une plaque devant sa porte », regrette Boris Albrecht. D’autant plus que, depuis quelques années, les formations en médiation animale se sont multipliées de manière pléthorique. Mais rares sont celles qui bénéficient d’une véritable certification, qui acterait une reconnaissance de la part de l’Etat.

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