Mesurer le respect des libertés et la qualité de vie des résidents en Ehpad est l’objectif de la plateforme Arbitryum « Libre jusqu’au bout de sa vie ». Créé en 2018, cet outil a réellement pris son envol l’an dernier. Coélaboré avec les résidents et les professionnels, cet outil permet de réaliser un diagnostic complet sur la question du respect des droits et des libertés en interne. Il en coûte entre 1 500 et 2 000 € pour une année d’utilisation.
Les résidents, les familles et le personnel remplissent un questionnaire en ligne sur leurs ressentis. « Une trentaine d’interrogations, classées en six rubriques, reprennent les thématiques identifiées en matière de respect du droit aux choix et aux risques des personnes âgées », explique Sabrina Albayrak, cofondatrice d’Arbityum, docteure en santé publique et sociologue du vieillissement. Au-delà de la liberté d’aller et venir, les résidents sont interrogés sur leur liberté de boire du vin à table, d’accueillir des proches ou de ne pas se voir imposer de protections urinaires.
« Cela va plus loin encore, précise Delphine Desson, directrice de l’Ehpad Louis-Fonol, à Nissan-lez-Enserune (Hérault), l’un des premiers établissements parmi une soixantaine à expérimenter la plateforme. Les résidents sont interrogés sur des thématiques très rarement abordées : la contention, la sexualité, la mort… » Quand le module dédié aux professionnels interroge ceux-ci sur la pénibilité au travail, la difficulté des tâches, le sentiment d’injustice, etc.
Analysées par un algorithme issu d’un travail interdisciplinaire et scientifique, les réponses fournissent un état des lieux en matière de respect des libertés par établissement. Ce bilan est rapidement présenté, en plénière, à l’ensemble des personnes concernées afin de leur permettre d’en débattre et de prendre du recul. « La plus-value de la plateforme est qu’elle mesure les écarts de perception entre les différentes parties prenantes. Elle souligne les points de vigilance et d’amélioration », vante Sabrina Albayrak. Delphine Desson appuie : « Nous avons constaté que les salariés méconnaissent toute la partie administrative d’un Ehpad. Certains ignorent jusqu’à l’existence d’une charte des libertés, pourtant affichée dans l’établissement, ou d’un contrat de séjour. Ils ne connaissent rien aux obligations d’une structure. »
Les constats dressés, la plateforme suggère des actions concrètes : création d’une charte des libertés ou de groupes de parole sur l’intimité, inclusion des résidents dans la définition des menus, meilleure communication sur la mort. « Nous avons décidé de créer un comité éthique regroupant les professionnels, les résidents et les familles », illustre Delphine Desson. « Dans un Ehpad, nous avons mis en place un atelier réservé aux professionnels sur la pénibilité au travail et le sentiment d’injustice, indique pour sa part Sabrina Albayrak. Nous avons aussi lancé un groupe de travail sur la planification individualisée pour que le personnel respecte les horaires de lever et de coucher des résidents. » Elle ajoute : « Nous préconisons toujours plusieurs actions en fonction du diagnostic établi et des caractéristiques de l’établissement (en milieu rural, en centre-ville…). »
Dans une logique d’amélioration de la situation, la cofondatrice de la plateforme et son collègue sociologue du travail repassent quelques mois plus tard pour mesurer la portée des actions mises en place. « Car c’est un cercle vertueux : lorsque la qualité de vie des résidents s’améliore, celle des professionnels progresse également », conclut Sabrina Albayrak.