Ils sont plusieurs centaines, pour la plupart marocains, tunisiens, égyptiens, pakistanais ou népalais, et occupent depuis le mois de mai l’église Saint-Jean-Baptiste-au-Béguinage, ainsi que les réfectoires des universités libres, francophone et néerlandophone, de Bruxelles. De longues semaines de lutte, de mobilisations, et même de grève de la faim et de la soif, qui ont fait vaciller la coalition gouvernementale au pouvoir en Belgique, sans pour autant régler le problème de fond : parmi les quelque 100 000 sans-papiers présents sur le sol belge, ceux qui parviennent à travailler demeurent corvéables à merci, parfois privés du salaire minimum, de logement, de droits sociaux, d’accès à la santé. Une précarité qui a explosé durant la pandémie de coronavirus.
« L’Union des sans-papiers pour la régularisation [USPR] est parvenue à initier un certain nombre de négociations au plus haut niveau », a souligné leur comité de soutien lors de l’annonce, le 21 juillet, de la suspension d’une grève collective de la faim et de la soif. Face au désespoir et à l’inertie des pouvoirs publics, certains s’étaient cousus la bouche, tandis que d’autres risquaient la mort en refusant de s’alimenter, une perspective susceptible de faire exploser le fragile gouvernement belge. Pierre-Yves Dermagne, vice-Premier ministre socialiste du gouvernement, avait brandi la menace d’une démission des membres de son parti en charge des portefeuilles de la défense, des retraites ou des investissements stratégiques, en cas de décès d’un des manifestants. Le coprésident des écologistes s’était engagé à faire de même.
Une intense pression de la société civile, syndicats et associations, a permis de faire bouger quelques lignes au sein de cette coalition rassemblant sept partis, dont les sociaux-démocrates francophones et flamands, les libéraux et les chrétiens-démocrates flamands. 28 000 signatures avaient été remises à la fin du mois de juin au secrétaire d’Etat à l’asile et à la migration Sammy Mahdi, soit autant de citoyens engagés dans la campagne « We are Belgium too », lancée le 11 mars dernier par la Coordination des sans-papiers de Belgique, une initiative soutenue par une centaine d’organisations.
Mais tétanisé par une autre pression, celle exercée par la droite et l’extrême droite belge, Sammy Mahdi a refusé toute perspective d’une régularisation collective – la dernière remonte à 2009 –, accusant ceux qui donnent « de l’espoir aux grévistes de la faim » de jeter « de l’huile sur le feu ». Des associations comme Avocats.be avaient pourtant souligné que la loi belge l’autorise, en cas de « circonstances exceptionnelles », les sans-papiers étant privés d’un accès au système de santé alors qu’ils demeurent particulièrement vulnérables à la pandémie de Covid-19.
Le cabinet de Sammy Mahdi a cependant lâché quelques miettes. « Il s’agit de donner la possibilité aux occupants de faire valoir des éléments d’ancrage, de vulnérabilité, de séjour… permettant l’octroi d’un permis A, via la “procédure 9bis” [autorisation de séjour pour raisons médicales, ndlr]. Pour les dossiers les plus fragiles, la possibilité d’une protection humanitaire est également sur la table », explique l’USPR. Sammy Mahdi a également avancé la mise en place d’une « zone neutre » pour permettre aux sans-papiers de s’informer sur l’état de leur cas individuel sans risque d’arrestation ou d’expulsion. Soit une gestion au cas par cas qui suspend provisoirement les grèves de la faim et de la soif, mais loin de résoudre la globalité de la question. La lutte « continuera afin d’obtenir des garanties supplémentaires et de sortir les travailleurs.euses sans papiers de la clandestinité », prévient encore l’USPR.
Le sujet de notre « Inspiration d’ailleurs » du n° 3217 a été initialement repérée et expertisée par Apriles, l’agence des pratiques et initiatives locales.