Non. Il existe un avant et un après. La pandémie a provoqué une aventure collective. Cela peut sembler paradoxal mais nous étions tous confrontés à quelque chose d’inconnu et de dangereux. Etre logés à la même enseigne a suscité des attitudes nouvelles. Nous avons été obligés de serrer les rangs et de tenir compte les uns des autres.
Pluridisciplinaire ne rime pas forcément avec collectif. Ce dernier mot signifie que des personnes se mobilisent ensemble dans un projet commun. Alors que la pluridisciplinarité sous-entend de travailler, parfois, ensemble. Pour répondre plus précisément, nous évoquons beaucoup en France le travail social de groupe. On en parle beaucoup mais on lui laisse peu de place. Et il reste peu valorisé.
Le premier constat, et c’est à saluer, est que les équipes sont restées au travail. Certes, à distance, par le biais de la visio et des outils numériques. Mais au travail quand même. Nous avons également assisté à une relance de l’autonomie. Face à ce chaos, il a fallu que chacun bidouille, invente, cherche des solutions. Cela a constitué un facteur de redynamisation et de créativité. Les personnes accompagnées ont, quant à elles, été obligées de se mobiliser dans des initiatives personnelles puisqu’elles ne bénéficiaient plus des mêmes supports d’accompagnement alors que les structures d’accueil étaient pour la plupart fermées. C’est intéressant car les travailleurs sociaux portent désormais un autre regard sur ces publics. Cette dynamique semble aujourd’hui persistante et porte en elle un profond projet de transformation. Reste la question du futur. Personne ne peut prétendre qu’il ne s’est rien passé.
Des associations ont particulièrement mis l’accent sur la communication, autant à l’égard des personnes accompagnées que des familles ou des administrateurs. Des fils d’infos, des newsletters hebdomadaires ou des boucles WhatsApp ont vu le jour. Les effets ont été positifs. On ne voit pas pourquoi ces dispositifs seraient abandonnés. Il est également pertinent de comparer la situation actuelle à celle qui avait suivi l’explosion de l’usine chimique AZF à Toulouse [le 21 septembre 2001, ndlr]. Cette usine était située dans des quartiers défavorisés qui ont été très abîmés par la catastrophe. Les services publics avaient tardé à se mobiliser dans ces zones de pauvreté, ce qui avait contraint les travailleurs sociaux à rénover leurs pratiques. Dans les situations difficiles, nous sommes obligés de devenir plus intelligents. Cette crise de la Covid a, je crois, cassé des routines. Il en restera quelque chose.
Une injustice leur a été causée quand le gouvernement a reconnu les mérites des personnels médicaux, augmentations salariales à l’appui, en les laissant au bord du chemin(1). Ils ont été ignorés. Les travailleurs sociaux ont de grandes difficultés à se faire entendre car leurs champs d’activité sont totalement morcelés. L’éclatement des professions est total. C’est particulièrement vrai pour les métiers et les fonctions. Faire apparaître une communauté d’intérêts est difficile. D’autant plus que la question du secret est attachée à ces professions. Ce sont des métiers où l’on prend l’habitude de ne pas parler de ce que l’on voit. On peut enfin relever que le sort des travailleurs sociaux n’est pas au cœur des préoccupations des syndicats supposés les défendre.