Quand la première vague de Covid-19 a déferlé sur la France en mars 2020, les professionnels intervenant dans le champ du handicap ont été d’abord sidérés, puis, rapidement, ils sont passés à l’action. Une action qui s’est révélée inédite tant elle est parvenue à mobiliser l’ensemble du secteur. L’enjeu ? Assurer coûte que coûte l’accompagnement des personnes concernées. « Une fois qu’on a compris que nos structures resteraient ouvertes, toute l’équipe s’est mise en ordre de marche pour participer à l’effort commun. Je savais mes équipes inventives et réactives, mais elles l’ont particulièrement été pendant cette période. Tout a été tenté pour éviter que cela explose dans les familles et que les personnes ne perdent pas leurs acquis », se rappelle Caroline Jond, directrice adjointe d’un Sessad (service d’éducation spéciale et de soins à domicile) pour enfants porteurs de troubles du spectre autistique dans le Rhône. Portage de repas, groupes de parole, cellule d’écoute et de soutien, webradio, boîte à lectures virtuelles, plateforme en ligne collaborative d’enseignement Klassroom, puis, quand cela a été de nouveau possible, séjour de répit… autant de pratiques innovantes qui laissaient entrevoir qu’un autre fonctionnement, plus en adéquation avec les attentes des acteurs de terrain, était possible.
« Si cette crise a eu des effets positifs, c’est bien d’avoir susciter l’étonnement de découvrir des compétences jusque-là insoupçonnées, abonde Lydie Gibey, directrice du Creai Ile-de-France (centre régional d’études, d’actions et d’informations en faveur des personnes en situation de vulnérabilité), à l’origine d’une étude réflexive, menée avec le professeur Jean-Luc Charlot, sur la base des retours d’expérience du premier confinement. Mais nous ne devons pas perdre de vue que toutes ces actions ont eu lieu dans un contexte très contraint et au prix d’un épuisement des personnels. Il ne faut donc pas s’imaginer que, tout d’un coup, tout va être merveilleux parce qu’on va faire de la visioconférence. »
Pour les directions qui ont su capitaliser sur cette émulation collective et questionner leurs pratiques à la lumière de ces événements, la période a cependant fait naître de réelles avancées. Au sein de l’association Sésame Autisme, par exemple, le recours au numérique a été déterminant. « Jusqu’à présent, les personnels rechignaient à s’emparer de ces outils au quotidien, mais l’expérience leur a fait prendre conscience que sa prise en main devenait incontournable pour gagner en efficacité et maintenir le lien avec les familles. Depuis, on a travaillé sur l’appel à projets de la Caisse nationale de solidarité pour l’autonomie qui vise à soutenir les structures médico-sociales dans le virage numérique, et on espère obtenir les financements indispensables à l’achat de matériel et la formation du personnel », expose Christine Meignein, sa présidente. De la même façon, quelques coopérations, notamment avec les familles, sont parvenues à résister à la réouverture des structures. C’est notamment le cas au Sessad de l’Apajh 69. « Aujourd’hui, avec les parents qui ont vraiment joué le jeu pendant le confinement, nous avons réussi à nouer une véritable alliance, même si la majorité d’entre eux ont cessé de se mobiliser quand les prestations externalisées ont redémarré. Parallèlement, on a aussi décidé de ré-officialiser l’accompagnement des fratries qui nous est apparu comme essentiel durant toute cette période », détaille la directrice adjointe de l’établissement.
Reste que si la crise a obligé les établissements et services à se décaler dans un premier temps, d’autres difficultés sont apparues et avec elles la crainte d’un retour aux habitudes d’avant-Covid. « Avec la reprise d’un semblant de vie normale, les liens qui ont pu être maintenus avec les familles pendant le confinement se sont progressivement distendus, regrette le porte-parole du Collectif Handicaps, Stéphane Lenoir. Côté numérique, en revanche, on va sans doute continuer à faire de la visioconférence, même s’il est probable qu’on assiste à une reprise rapide de l’accueil physique puisque c’est une demande forte des intervenants sociaux. Donc, non, je ne suis pas certain que la crise ait été bénéfique, à part peut-être pour les équipes qui ont pris le temps d’analyser l’évolution de leurs missions au cours de l’année qui vient de s’écouler. Mais combien en sont capables ? Il est encore trop tôt pour le savoir. »