La crise sanitaire a confirmé le manque d’attractivité des métiers du grand âge. Si le Ségur de la santé et la signature de l’avenant 43, qui ont permis une revalorisation de salaires, constituent des signes positifs envoyés aux acteurs de terrain, les conditions de travail demeurent difficiles. « Cette crise a révélé le manque de moyens et de personnels des structures. J’ai des postes vacants mais je n’arrive pas à recruter. Je ne trouve pas d’infirmiers, ni d’aides-soignants. Je suis obligée d’embaucher des personnes non qualifiées », déplore Marie-Pascale Mongaux-Masse, directrice de trois Ehpad (établissements d’hébergement pour personnes âgées dépendantes) et correspondante régionale Normandie de l’AD-PA (Association des directeurs au service des personnes âgées).
Autre conséquence de l’arrivée de la Covid-19, la sanitarisation du secteur, afin d’éviter, entre autres, les syndromes de glissement. « Nous surveillons encore plus l’état de santé du résident, assure Aurélie Besson, aide-soignante à l’Ehpad La Sarrazinière à Saint-Etienne (Loire). J’ai l’impression d’exercer un métier différent. Je pratique les mêmes soins mais je les exécute différemment. Or l’accompagnement ne doit pas être que du soin, c’est aussi du relationnel. » « Avant la crise, nous n’étions probablement pas à la hauteur des attentes de nos usagers, analyse Dominique Villa, directeur général de l’association d’aide à domicile Aid’Aisne. Lors des périodes hivernales de grippe par exemple, nous y allions un peu la fleur au fusil. Désormais, nous nous rendons chez l’usager avec l’ensemble des équipements de protection individuelle. »
Une prévention supplémentaire qui perdure donc. Mais le port du masque, le respect des gestes barrières bouleversent toutefois les pratiques professionnelles en profondeur. « Cette crise a nécessité que l’on aille à l’encontre des valeurs que nous défendons au quotidien. Le masque altère la communication, confirme Elise Gambier, directrice de l’Ehpad La Maison de Jeanne à Villers-Bocage (Calvados). Désormais, nous basons davantage notre accompagnement sur le regard, la parole, le toucher. » « Nous réfléchissons différemment notre relation à l’usager, assure Olivier Delrieu, directeur de l’association d’aide à domicile Château Silhol en Occitanie. Nous nous focalisons plus sur l’accompagnement et moins sur l’aide technique ou matérielle. » Si cette prise en charge est plus proche du bénéficiaire, elle demeure insuffisante, estime Frédéric Neymon, dirigeant de la structure d’aide à domicile Age et perspectives : « Au cœur de la crise, nous avons priorisé les tâches, les actes. Les temps d’accompagnement ont été raccourcis. Malheureusement, ces nouvelles habitudes perdurent et désormais nous sommes moins dans la prévention. Nous anticipons moins les éventuelles dégradations. »
Les gestes barrières ont modifié d’une autre manière les pratiques professionnelles. « Depuis que nous avons rouvert la structure, nous devons surveiller sans cesse les familles et vérifier qu’elles portent bien le masque, déplore Aurélie Besson. Ce qui pose un problème. Car c’est un temps d’accompagnement en moins auprès des résidents. » De même, le respect des nouvelles normes d’hygiène est chronophage. « Nous devons désinfecter toutes les portes de chambre, les loquets, les interrupteurs, les télécommandes de lit… Autant de petites choses qui, mises bout à bout, prennent énormément de temps dans la journée. Temps que nous n’avons plus pour prendre en charge au mieux la personne âgée », détaille Jeanne-Chantal Docquier, directrice de l’Ehpad Les Mimosas à Commequiers (Vendée). Et comme les structures n’arrivent pas à recruter, les personnels s’épuisent d’autant plus… Un véritable cercle vicieux.