« Le consentement pour toute exploration médicale, ou pour tout soin, ou encore tout traitement, est inscrit dans le droit français depuis la loi du 4 mars 2002 relative aux droits des malades et à la qualité du système de santé. Dans son avis 136 publié début juillet, le Comité consultatif national d’éthique (CCNE) s’est récemment penché sur “l’évolution des enjeux éthiques relatifs au consentement dans le soin”.
Pour bon nombre de personnes, du fait du développement de nouvelles techniques médicales, multipliant les possibilités de dépistage, d’analyse, de diagnostic et de traitement, il est de plus en plus difficile de comprendre la réalité complexe de leur état de santé ; et l’élaboration d’un consentement s’avère elle-même de plus en plus compliquée. Par ailleurs, les développements techniques et scientifiques de la médecine contemporaine contribuent à engendrer de nouvelles formes de vulnérabilité, marquées parfois par l’altération des facultés de discernement des personnes, rendant le consentement très aléatoire. Dès lors, pour le CCNE, le consentement ne saurait se réduire à une approche binaire : il résulterait d’une information claire, loyale, et serait éclairé ; il se traduirait par le refus ou l’acceptation de ce qui est proposé.
Dans les faits, souvent, la réalité médicale se révèle complexe et peu appréhendable par le malade. Aussi le consentement ne peut-il plus être considéré comme un acte mais comme un processus. De fait, le consentement est “vivant”, c’est-à-dire non figé, dynamique parce qu’il nécessite, d’une part, une mise à jour régulière des connaissances et, d’autre part, une adaptation régulière de l’information donnée par le médecin ou le professionnel de santé à une personne dont les capacités d’intégration évoluent.
En ce qui concerne les personnes qui ont un représentant légal, la question du consentement dans le soin est centrale. Une partie des personnes majeures sous mesure de protection juridique (sauvegarde de justice, curatelle, tutelle, habilitation familiale judiciaire et mandat de protection future), quel que soit le régime, conservent une capacité de discernement et donc de consentement potentiel. Pour chacune d’entre elles, doit donc se poser systématiquement la question du respect et de la mise en œuvre de son droit à exprimer un choix dans le champ de la santé, y compris dans le régime le plus lourd de la tutelle.
L’enfant mineur, lui aussi, doit être interrogé, même s’il revient aux détenteurs de l’autorité parentale de consentir à tout traitement (ou aux médecins, si les volontés parentales leur semblent contrevenir à l’intérêt supérieur de l’enfant). La loi du 4 mars 2002 consacre le droit du mineur à s’opposer à la consultation des titulaires de l’autorité parentale pour une décision médicale et à refuser qu’ils soient informés sur son état de santé ; on parle de “droit au secret”(1).
Le CCNE recommande d’informer toutes ces personnes mineures ou majeures de la situation médicale les concernant, de rechercher systématiquement leur consentement indépendamment de l’autorité parentale, des mesures de protection juridique ou des situations de contraintes dont elles sont l’objet, et de renforcer la place du consentement dans les établissements et services sanitaires et médico-sociaux pour en faire un enjeu institutionnel et éthique majeur dans les pratiques professionnelles.
Lorsque la personne protégée, après avoir été informée, n’a pas la capacité d’exprimer un choix, dans le champ de la santé, l’autorisation ne peut être demandée qu’à son représentant légal (tuteur, personne habilitée par le juge) qui sollicitera lui-même l’autorisation du juge pour les actes les plus graves. On voit bien que la représentation n’intervient qu’en dernier recours, l’assistance de la personne restant privilégiée lorsque cela reste encore possible.
Certaines personnes peinent à consentir, que cette difficulté soit liée à une pathologie, à un handicap secondaire, ou encore à une altération essentielle des capacités de discernement et de décision. Il apparaît fondamental de ne pas les considérer comme des incapables sur cette question. Bien au contraire : l’information doit être adaptée, répétée, évolutive. Le CCNE insiste dans son avis sur la nécessité d’obtenir dans ce cas un assentiment et non pas forcément un consentement éclairé de la personne. L’assentiment (assent, en anglais) peut être considéré comme un accord fondé sur une compréhension seulement partielle des enjeux. Cette recherche de l’assentiment, voire du consentement, passe par une relation de confiance qu’il n’est pas si simple d’établir mais qui est essentielle pour qu’une information soit entendue. Le rôle de la personne de confiance pourrait être renforcé dans ces situations.
Enfin, en cas de réelle incapacité d’exprimer un consentement ou une opposition, conduisant à une décision pour autrui, l’enjeu consiste à limiter l’arbitraire ou la subjectivité de décisions qui seraient prises par substitution. Toute décision pour autrui devrait être le fruit d’une concertation en amont ; c’est la notion de “processus délibératif”, impliquant les professionnels engagés dans le soin et les traitements auprès de la personne, ceux investis dans son accompagnement psychologique et social, des proches qui connaissent la personne, son environnement, ses valeurs. Le CCNE recommande de renforcer le poids du témoignage de la personne de confiance dans la prise de décision en pareille circonstance. Son avis – dès lors que celle-ci a été désignée par le malade, qu’elle a été informée de son rôle et qu’elle l’a accepté – pourrait être considéré comme la “volonté prolongée” de la “personne empêchée”.
Au final, le consentement aux soins apparaît comme une question centrale et complexe. Elle est malheureusement trop souvent escamotée ou réduite à un acte binaire, voire administratif. Alors que la recherche du consentement devrait être considérée comme un soin complexe, une aide au cheminement, respectueuse du rythme et des limites de la personne. Cette sous-mobilisation du consentement comme un processus d’accompagnement des personnes est sans doute liée au fait que l’on n’accorde pas assez de valeur à l’information, au temps d’aide au cheminement des personnes. Or ce travail est essentiel et doit être le fruit de collaborations entre la personne, ses proches, les professionnels intervenant dans le soin somatique, psychique et social. Il impose une communication avec des mots justes, adaptés aux capacités d’écoute et d’intégration de la personne, ces capacités évoluant au fil du temps, de progression de la maladie et précisément du lien avec les acteurs professionnels et familiaux. Ces temps sont donc partie intégrante du soin et seraient à valoriser dans une nouvelle acception de l’activité soignante (le terme de “soin” étant à comprendre au sens large, non réduit au soin “sanitaire”). De même la formation des professionnels de santé et de professionnels du champ social – formation initiale et formation continue – devrait-elle être renforcée sur ces aspects de l’information à la personne en situation de vulnérabilité, sur l’importance du consentement et sur les modalités de recueil. L’idéal serait que, sur ce point, les parcours de formation se croisent alors même qu’à ce jour la formation des acteurs qui interviennent ou vont intervenir auprès de la personne malade, ou porteuse d’un handicap, se fait “en silo”, sans apprentissage du travail en équipe. »
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(1) bit.ly/3ekUq8v.