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En Chine, le contrôle social jusque dans la chambre à coucher

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En Chine, le contrôle social jusque dans la chambre à coucher

Crédit photo Étienne Cassagne
Conformément à la législation imposée par le gouvernement chinois, le géant du jeu vidéo Tencent impose un système de reconnaissance faciale pour empêcher les mineurs de jouer en ligne la nuit.

Le cauchemar dystopique du contrôle social en vigueur en Chine vient de franchir une nouvelle étape, avec la décision du géant chinois des jeux vidéo Tencent d’imposer un système de reconnaissance faciale pour empêcher les mineurs de jouer en ligne la nuit. Jusqu’à présent, les acteurs du secteur s’en étaient tenus à une inscription nominative avec un processus de vérification de l’âge, afin de se conformer à l’interdiction de jouer entre 22 h et 8 h, une mesure censée combattre l’addiction des plus jeunes. Mais face au contournement de la loi grâce à des comptes créés par des adultes puis utilisés par les mineurs, Tencent a décidé d’imposer des tests de reconnaissance faciale. « Toute personne qui refuse ou échoue la vérification sera traitée comme un mineur, et identifiée dans la supervision anti-addiction du système de santé des jeux de Tencent, et mise hors ligne. Nous effectuerons une vérification du visage pour les comptes enregistrés avec de vrais noms et qui ont joué pendant une certaine période de temps la nuit », a déclaré la firme dans un communiqué.

« Bons » et « mauvais » citoyens

Si le dispositif peut choquer en Europe, il s’inscrit en Chine dans le cadre d’un système mis en place il y a une petite dizaine d’années, appelé « crédit social », et qui ne cesse de prendre de l’ampleur : surveillés dans leurs activités en ligne par le « big data » traité par l’intelligence artificielle (les Chinois sont leaders du secteur en matière de dépôt de brevets depuis 2019) et par des caméras de surveillance dans l’espace public, les « bons » citoyens gagnent des points tandis que les « mauvais », pénalisés par une infraction routière, le non-remboursement d’un crédit, un crachat par terre ou des injures publiées sur les réseaux sociaux, s’exposent à une gamme variée de sanctions : interdiction de voyager, d’aller au restaurant, d’acheter un bien immobilier, voire d’inscrire son enfant dans une école privée.

Les ONG internationales s’inquiètent depuis plusieurs mois du développement de ce système qui a pris une nouvelle ampleur durant la pandémie de Covid-19, grâce à un fichage accru des quelque 1,4 milliard d’habitants que compte le pays. Au mois de septembre dernier, Amnesty International publiait un rapport d’une cinquantaine de pages mettant en évidence les transferts de technologies de surveillance numérique de l’Europe vers la Chine, en particulier les outils de reconnaissance faciale. Y étaient pointées des entreprises européennes : Idemia (France), Axis Communications (Suède), Noldus Information Technology (Pays-Bas). « Ces technologies […] sont maintenant utilisées par les bureaux de sécurité publique chinois, les agences d’application de la loi pénale et/ou les services liés aux instituts de recherche gouvernementaux, y compris dans la région du Xinjiang », où sont documentées des violations massives des droits de l’Homme à l’égard de la minorité ouïghoure, s’inquiétait alors Amnesty. Avant d’alerter sur ces « avancées » scientifiques « qui peuvent éliminer la possibilité des individus à rester anonymes dans les espaces publics, ce qui interfère avec les droits à la vie privée, à la non-discrimination, à la liberté d’opinion et d’expression, et qui peut avoir une incidence sur les droits de réunion et d’association ».

Outre ses innombrables applications internes, le « contrôle social » à la chinoise est devenu une vitrine de l’efficacité de l’Empire du Milieu, en particulier dans sa gestion de la pandémie sanitaire. En dépit des critiques et des inquiétudes que ce modèle « orwellien » ne manque pas de susciter, les officiels du régime le vantent aujourd’hui publiquement non seulement comme un outil coercitif, mais aussi prédictif, devant permettre d’anticiper les crises sociales et les révoltes, à l’instar de la mobilisation des « gilets jaunes » en 2018-2019.

… et d’ailleurs

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