La prostitution des mineurs n’est plus un tabou. Pis : elle explose. Selon un rapport remis à Adrien Taquet le 13 juillet, entre 7 000 et 10 000 jeunes sont concernés, des filles pour la plupart, âgées en moyenne de 16,4 ans. Une réalité probablement minorée et qui touche tous les adolescents, a fortiori ceux qui dépendent de l’aide sociale à l’enfance (ASE). Ils sont d’ailleurs les plus à risques selon les experts, comme le détaille Bénédicte Lavaud-Legendre, invitée cette semaine du podcast SMS. Carences éducatives et affectives, violences sexuelles durant l’enfance, ruptures familiales, mauvaise image de soi… Bien davantage que les membres de leur classe d’âge, leur parcours les expose à devenir des proies.
Comment les repérer et les accompagner ? Les travailleurs sociaux se heurtent à un sentiment d’impuissance, quand ils n’admettent pas être dépassés. Plus les jeunes sont en errance, plus ils sont difficiles à « accrocher », plus les risques de prostitution augmentent (page 12). Le terrain de ce sombre jeu a lui aussi changé : c’est sur les réseaux sociaux que les jeunes filles vendent leur corps. Et le manque d’expertise du numérique des services de la protection de l’enfance dégrade la situation. Si les modèles et les représentations sexuels ont évolué, il en va de même du rapport à l’argent facile, celui qui donne accès à un vêtement de marque particulièrement cher, et donc survalorisé. Le repérage de ces pratiques est d’autant plus complexe que, quand certaines mineures sont sous l’influence d’un proxénète, d’autres se prostituent occasionnellement, pour un paquet de cigarettes par exemple. Comme l’observent les professionnels du Tarn, département où un réseau de mineures de l’ASE a été démantelé l’an dernier (page 10). Surtout, et c’est l’un des aspects les plus cruciaux, beaucoup de ces jeunes souffrant d’un « trouble du lien », qui ressentent désespérément le besoin d’être aimées, n’ont pas conscience de leur position de victimes. Les professionnels estiment désormais que la prévention doit passer par une politique volontariste. Outre les moyens nécessaires à une prise en charge efficace, ils insistent sur l’importance de changer leur propre regard sur la sexualité des jeunes et de travailler de manière transversale, en partenariat avec la justice, la police, l’éducation nationale, le planning familial, etc. (page 10). Adrien Taquet, en charge de la protection de l’enfance et des familles, a annoncé qu’un plan de lutte contre la prostitution des mineurs sera mis en place en octobre prochain. Espérons qu’il n’oublie pas les jeunes majeurs sortant de l’ASE, contraints parfois à la prostitution pour survivre (page 14). L’enjeu est de taille et requiert un pilotage national, une faiblesse historique de la protection de l’enfance.