La maladie mentale, les troubles psychiques n’affectent pas seulement les personnes atteintes. Ils peuvent aussi bouleverser les membres de l’entourage, et particulièrement les plus jeunes. Or ceux-ci sont rarement considérés. Pour briser leur isolement, quatre associations européennes – Les Funambules (France), Etincelle (Belgique), RéseauPsy Centre Kanel (Luxembourg) et Le Biceps (Suisse) – ont créé une plateforme commune d’information, d’accompagnement et de partage : JEFpsy (acronyme de « jeune enfant fratrie »). Lancé début mai, ce site est dédié à des jeunes de 11 à 20 ans qui sont enfants, frères ou sœurs d’une personne atteinte de troubles psychiques.
Directrice générale de l’association Œuvre Falret, qui a fusionné avec Les Funambules et héberge la plateforme, Sandrine Broutin déplore : « Exposés dès leur plus jeune âge à la souffrance psychique d’un proche, ils sont les témoins silencieux de ce qui se joue au domicile. D’autant que très souvent, en cas d’hospitalisation, personne ne leur explique ce qui se passe. Les enfants sont alors à même de fantasmer, d’angoisser et de nourrir à terme des peurs, des troubles ». Espace d’orientation, JEFpsy leur permet d’interroger des psychologues de chaque association formés à l’écoute active et en capacité de décrypter, d’évaluer le besoin de l’enfant afin de lui apporter des réponses. Et, le cas échéant, de l’orienter vers un autre professionnel pour une rencontre physique.
En Ile-de-France, les jeunes seront aiguillés vers l’association Les Funambules et, ailleurs sur le territoire, vers une maison des adolescents, un point accueil écoute jeunes ou un autre centre de ressources. Il leur est aussi possible d’échanger en visioconférence directement sur la plateforme, au sein d’un groupe de cinq ou six personnes, sur un thème précis.
« L’autre jour, j’ai discuté avec une jeune de 18 ans dont les parents sont atteints de troubles bipolaires. Elle s’est rendue sur la plateforme sur les conseils de sa psychologue, explique Hélène Davtian, docteure en psychologie et fondatrice des Funambules. Pendant un temps, elle a consommé énormément de drogues. C’était pour elle une réponse à la situation qu’elle vivait. Je pense qu’il y a moyen de l’aider autrement. » Et l’experte d’ajouter : « JEFpsy est aussi destinée aux professionnels de la petite enfance, de l’Education nationale, de la protection de l’enfance, qui sont au contact de ces jeunes et doivent pouvoir repérer leur mal-être, leur donner des clés de lecture et des outils pour les orienter. »
Utilisatrice de JEFpsy, Alice y a déposé son témoignage : « Merci de vous intéresser à ce que l’on ressent. Vous avez rompu ce sentiment d’abandon qui pesait sur moi depuis plus de dix ans. » Autre démonstration, « depuis sa mise en ligne, des associations italiennes, irlandaises et japonaises nous ont contactés afin de partager des initiatives du même ordre, assure Sandrine Broutin. Preuve que la problématique existe partout. »